Le “burn out” n’est pas reconnu comme maladie professionnelle

15 Sep 2019

Le 15 février, la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national a refusé une initiative parlementaire qui visait à reconnaître le syndrome d’épuisement professionnel (burn out) comme maladie professionnelle.

En droit suisse, les maladies professionnelles sont celles dues exclusivement ou de manière prépondérante à l’exercice d’une activité professionnelle. Le Conseil fédéral tient un catalogue des maladies professionnelles reconnues. Selon la SUVA, environ 2400 cas par année sont admis comme étant d’origine professionnelle.

L’enjeu de cette liste est de taille. En effet, la prise en charge et les prestations sont meilleures pour les personnes souffrant d’une maladie professionnelle que pour les autres. En cas de maladie professionnelle, l’assuré-e n’est pas contraint-e de payer une franchise et une quote-part. Il peut obtenir le versement d’indemnités journalières. Hors cas de maladies professionnelles, le travailleur/-euse est mal protégé-e. La loi sur l’assurance maladie (LAMal), qui s’applique aux personnes souffrant de maladies non-professionnelles, ne prévoit pas d’indemnités journalières. Si la maladie se déclare alors que l’assuré-e est en cours d’emploi, il ne peut toucher d’indemnité journalière que si lui-même ou son employeur a conclu une assurance perte de gains. A défaut, il ne pourra obtenir son salaire que pour une période très limitée (art. 324a CO).

L’enjeu touche également le financement des soins. Les employeurs ne participent pas au financement de l’assurance-maladie qui repose exclusivement sur les assuré-e-s, via un système de prime par tête, indépendante du revenu. À cause de l’approche restrictive du Conseil fédéral concernant la liste des maladies professionnelles, les employeurs font payer aux assuré-e-s (LAMal) le coût des pathologies pourtant en lien avec le contexte de travail. Il en va ainsi des maladies de surcharge ou de mobbing (dépression, burn out, troubles musculo-squelettiques, etc.). Le Conseil fédéral estime que les affections liées au stress ne sont pas des maladies professionnelles, notamment parce qu’elles ne se rattachent pas à un risque précis touchant un groupe professionnel particulier. En d’autres termes, il considère que la surcharge et le stress sont en quelques sortes inhérents au travail salarié.

Face à l’augmentation des risques psychosociaux au travail, des parlementaires fédéraux ont tenté en vain de faire reconnaître ces pathologies comme maladies professionnelles.

Le Conseil fédéral, tout en se déclarant conscient du problème, « est convaincu que les mesures déjà mises en place et celles qu’il est prévu d’adopter dans le cadre des futurs projets de Santé 2020 sont pour l’heure suffisantes ». Il estime qu’il ne faut pas intégrer le burn out, « car ce syndrome présente généralement un tableau clinique multifactoriel auquel participent également des facteurs extraprofessionnels, notamment d’ordre familial, financier et culturel ». Il invoque le risque « que le nombre de cas se développe de manière imprévisible ». Ces réponses, données en mai 2015 [1], ont été reprises quasi à l’identique par la Commission du Conseil national, le 15 février. Cette dernière a cependant ajouté dans sa réponse une teinte néolibérale, en jugeant que les « programmes de prévention déjà mis en place par l’économie privée doivent être privilégiés par rapport à un transfert de responsabilité à l’assurance-accidents »[2].

Alors que l’intensification du travail est à l’œuvre dans la plupart des entreprises, une autre réponse de la part de la droite patronale eut été étonnante. Elle appelle en réaction une mobilisation pour les conditions de travail – et pas uniquement pour les salaires –et pour un système d’assurance sociale qui ne se résume pas à accompagner les mesures managériales des employeurs.

[1] https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20153219

[2] https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20180416