Pour un contrôle sérieux des salaires

18 Sep 2019

Le Parlement genevois a adopté jeudi dernier un projet de loi (12571) qui renforce les instruments de contrôle et de sanction dans le cadre des marchés publics. Pour les marchés de la construction, au cas où une entreprise participante refuserait de collaborer aux contrôles, elle pourrait se voir interdire l’accès au chantier. Dorénavant, si l’inspection du travail impose une telle mesure par décision, cette dernière sera exécutoire nonobstant recours.

Ce projet de loi est bienvenu après le scandale de mai 2019 sur le chantier des Transports publics genevois (TPG) du futur dépôt En-Chardon. Une entreprise d’électricité, filiale d’un groupe italien, avait, par un système de sous-traitance, employé des travailleurs/-euses moins payé-e-s que ce qu’elle avait déclaré.

L’inspection du travail avait tenté d’interdire à l’entreprise d’accéder au chantier. Cette décision avait été contestée par voie judiciaire. La Cour de justice avait cependant restitué l’effet suspensif au recours, rendant inefficace cette mesure et permettant à l’entreprise de continuer à engager ses salarié-e-s sous-payé-e-s sur le chantier.

Cette entreprise a finalement résilié le contrat et quitté Genève sans achever les travaux, ce qui a retardé la mise à disposition de cette infrastructure publique pour plusieurs mois.

Dans son exposé des motifs, le Conseil d’Etat mentionne que « l’Etat assume une responsabilité particulière en ce qui concerne les entreprises actives sur des marchés publics. Il est en effet primordial que des deniers publics soient exclusivement alloués à des entreprises respectueuses du cadre légal ».

Cette mesure et l’engagement des autorités genevoises dans ce domaine sont d’autant plus à saluer que ce canton a développé une pratique en matière de contrôle des marchés publics plus avancée que la plupart des autres cantons. Il faut espérer que cette disposition sera reprise ailleurs en Suisse.

On peine cependant à comprendre que cette mesure puisse s’arrêter à la porte des marchés privés de la construction, où l’intérêt au respect du cadre conventionnel et légal n’est pas moindre. Pourquoi, au motif que l’argent investi ne relève pas de fonds publics, les salarié-e-s n’auraient-ils pas droit à un mécanisme de contrôle sérieux ?

Par ailleurs, l’intervention de l’inspection du travail et des autres organes de contrôles, tels que les commissions paritaires, repose souvent sur des constats opérés par des délégué-e-s des salarié-e-s des entreprises. Or, ces personnes ne disposent aujourd’hui d’aucune protection sérieuse. Elles peuvent être licenciées pour avoir sollicité l’intervention des organes mentionnés ci-dessus. En l’état actuel du droit, aucune réintégration n’est possible.

Les exemples de tels licenciements sont nombreux.

Pensons, entre autres, à la pétition munie de plus de 1 600 signatures remise la semaine dernière à la hiérarchie de l’entreprise Dubois Dépraz, dans la Vallée de Joux, pour lui demander de réintégrer Mickael Béday. Ce délégué du personnel a été licencié en raison de son engagement pour le respect de la CCT.

Prévoir une protection efficace de la liberté syndicale serait une mesure au moins aussi percutante que celles prises par le Canton de Genève. En effet, l’Etat est souvent confronté à des difficultés pour démasquer les montages élaborés par les entreprises afin de contourner la loi. Alors que les salarié-e-s et leurs représentant-e-s sont aux premières loges pour constater ces manquements dont ils/elles sont les victimes.

(texte à paraître vendredi 20 septembre 2019 dans le journal Service public)