Cliniques privées : marchandisation de la santé

15 Sep 2019

Le Tribunal administratif fédéral (TAF) a rendu en janvier un arrêt (C-5017/2015) marquant une étape dans la marchandisation du service public de la santé. Sous la présidence de la Juge Bissegger (UDC), ancienne « lobbyiste à Bruxelles » selon le site Internet du TAF, celui-ci a considéré que le Canton Genève ne pouvait pas limiter le budget global maximal, ni le nombre annuel de cas par pôle d’activités attribué aux cliniques privées.

Cet arrêt fait œuvre de pédagogie en rappelant l’historique de la contre-réforme du système de santé et son principe cardinal : l’instauration d’une concurrence (« libre et non faussée », serait tenté d’ajouter un lobbyiste bruxellois) entre hôpitaux – prétendument pour réduire les coûts. Cette concurrence s’exerce principalement entre les cliniques privées et le service public.

Le lobby des cliniques privées avancent ses pions en prétendant que celles-ci seraient « un levier pour la maîtrise des coûts » et que « les cliniques privées sont bien souvent moins chères que l’hôpital public ». Ces extraits sont issus d’une lettre de Genève cliniques, le puissant lobby bénéficiant du soutien d’influents élu-e-s de droite, adressée aux député-e-s genevois-e-s.

Avec Genève cliniques, le TAF considère que Genève a mal apprécié le choix de l’offre pour élaborer sa liste hospitalière et le nombre de cas qu’il financera ainsi que les caisses maladies. Il estime que le critère de l’économicité n’a pas été pris en compte, le Canton n’ayant pas comparé les prestations en se référant à leurs coûts réels. Le TAF prône une égalité de traitement entre public et privé. Il interdit d’entraver la concurrence entre hôpitaux. Il enjoint donc de comparer les coûts du service public (HUG) et ceux des « fournisseurs » privés, sans considérer la nature différente de ces établissements.

Les conséquences pour les assuré-e-s et patient-e-s sont désastreuses. Le Canton a rappelé, face aux attaques du lobby du privé, qu’accéder à sa demande de financement sans limite entraînerait des coûts très élevés pour le contribuable et les caisses maladies. Le Canton de Zurich a vu, pour ce motif, son budget hospitalier augmenter de 324 millions de francs en une année.  Autre alternative : à défaut de budget supplémentaires, il s’agira de démanteler le service public, dégrader la qualité de ce dernier et les conditions de travail des employé-e-s – principalement des femmes.

C’est cette deuxième option que semble préconiser le TAF – contre le Parlement fédéral qui n’a pas ouvertement imposé ce choix. L’analyse des coûts réels va permettre aux cliniques privées de tirer tout le profit d’une politique salariale et du personnel nettement plus mauvaise que celle du secteur public. Les salaires prévus dans la CCT en vigueur, à Genève, sont d’environ 30% inférieurs à ceux du public.

Les patient-e-s souffriront également de cet arrêt.

Nul doute que la nouvelle plateforme coanimée par le PLR, le PDC et les Cliniques privées, intitulée Les Assises de la Santé, redoublera ses efforts pour capter financement et patient-e-s au détriment d’un service public de qualité, transparent et démocratique.