L’ampleur de la crise appelle un renforcement de la protection des locataires

26 Jan 2021

(Article à paraître dans le prochain numéro du journal de l’ASLOCA.)

Pour sauver des vies et face à la recrudescence du COVID-19, les autorités cantonales puis fédérales ont pris des mesures nécessaires, mais qui accroissent la crise économique et sociale. Beaucoup de locataires sont touchés et ne peuvent plus payer leur loyer.

La Confédération n’a pas prévu d’aider les locataires. On se souvient du débat sur les loyers commerciaux. Une majorité UDC-PLR-VERTS LIBERAUX et CENTRE (ex. PDC) a refusé de réduire certains loyers, pour quelques semaines et pour les seuls commerces contraints de fermer par décision du Conseil fédéral. Aucun soutien aux locataires de logements n’a été envisagé. Fondamentalement, cette majorité politique veut que les propriétaires puissent décider quel locataire a le droit de rester et lequel doit partir. Elle protège ainsi les intérêts des grands propriétaires immobiliers, soit des assurances et des banques.

Ce refus d’agir a et aura de graves conséquences. La crise révèle les faiblesses du droit du bail, principalement s’agissant des résiliations pour défaut de paiement. Un locataire en retard de quelques jours à peine peut recevoir une menace de résiliation dès le début du mois et, s’il ne parvient pas à payer dans les 30 jours, le propriétaire peut résilier le bail, sans possibilité ensuite d’imposer la remise en vigueur de celui-ci si le locataire se remet à jour. Il n’y a en outre pas de trêve hivernale en Suisse et aucune possibilité de prolonger un contrat résilié pour ce motif, même si le locataire connaît une situation difficile. Un propriétaire est en droit d’évacuer une personne âgée ou malade, ou une famille, même sans solution de relogement.

La crise révèle encore un autre problème. Pour garantir le paiement du loyer, de nombreux locataires commerciaux ont été contraints de signer le bail aux côtés de leurs petites entreprises, une Sàrl le plus souvent. Cette pratique généralisée est une corde au cou du locataire qui se voit obligé d’abandonner son commerce et de se réorienter pour subvenir à ses besoins. La création d’une personne morale vise notamment à s’assurer qu’en cas d’insolvabilité de l’entreprise, la responsabilité de l’exploitant ne sera pas engagée. En faisant cosigner le bail à la personne morale et à l’exploitant personnellement, le propriétaire peut faire saisir l’éventuel patrimoine personnel de ce dernier.

Il s’agit d’un avantage que les bailleurs s’octroient en sus de ce que la loi prévoit déjà, soit la garantie de loyer (en général six mois de loyer), la possibilité de demander le paiement par trimestre d’avance et le droit de rétention sur les biens stockés dans le local. Une fois encore, les propriétaires se taillent la part du lion, puisque les autres créanciers du commerçant, eux, doivent faire valoir leurs créances dans la masse en faillite. C’est par exemple le cas des salariés qui n’auraient pas été payés.

L’ASLOCA, par l’intermédiaire du soussigné, a déposé deux propositions au Conseil national pour corriger cette situation choquante. La première (20.419) vise à imposer aux bailleurs la remise en vigueur du bail lorsque le locataire qui a connu un défaut de paiement a rattrapé son retard et payé régulièrement le loyer durant plusieurs mois. La deuxième (20.4621) vise à permettre au locataire qui a cosigné le bail aux seules fins de garantie, avec la personne morale qu’il exploite, d’être libéré afin de pouvoir « rebondir ».