Non à l’initiative burqa

26 Jan 2021

Après les minarets en 2009, l’extrême droite et ses représentant·e·s politiques partent en croisade contre la prétendue emprise de l’islam sur la société, en proposant d’interdire de se voiler la face en public.

L’objectif de cette initiative est clair, comme son texte: juridiquement, il s’agit de réprimer pénalement celles et ceux qui dissimulent leurs visages en public, donc tout autant la femme à la burqa que le ou la manifestant·e qui se masquerait pour défiler contre la casse des retraites et la destruction de l’environnement.

Cette initiative est le fer de lance d’une offensive politique. Elle vise à susciter une division, à élever une barrière entre les musulman·e·s et le reste de la population, et éclipse du débat public les enjeux fondamentaux comme la crise sanitaire, sociale et économique actuelle. La votation intervient alors que le patronat et ses représentant·e·s politiques annoncent des attaques sur les services publics, la privatisation de Postfinance et soutiennent des coupes de grandes ampleurs sur les assurances sociales, augmentant l’âge de la retraite des femmes (AVS 21). Ils souhaitent rétablir le taux de profit des entreprises et continuer la distribution des dividendes aux actionnaires sur le dos des salarié·e·s.

Ouvrir un débat absurde sur la burqa – quelques dizaines de cas en Suisse hormis les touristes saoudiennes et émiraties – focalise l’attention politique sur «ces étrangers qui ne s’intègrent pas et piquent le boulot des Suisses», au moment où les patrons licencient en masse. Aujourd’hui, exemple récent, les 1200 salarié·e·s de Swissport luttent contre la menace d’être licencié·e·s si elles ou ils n’acceptent pas de travailler plus, avec des horaires plus «flexibles», pour toucher un salaire amputé de 400  francs à 1200 francs par mois, qui deviendrait dans plusieurs cas inférieur au minimum légal de 4000 francs par mois!

Les initiant·e·s font preuve de duplicité en présentant leur projet comme un élément en faveur de la laïcité et un soutien à l’émancipation des femmes.

Cette initiative ne concerne pas la laïcité, dès lors qu’elle n’interdit pas le port de signes religieux chrétiens ou du judaïsme, pour autant qu’on puisse considérer la burqa comme un signe religieux. De même, là où la laïcité existe en Suisse, elle ne s’impose qu’à l’Etat et à ses agent·e·s, mais pas aux citoyen·ne·s qui sont libres de croire et de pratiquer une religion et de se vêtir comme bon leur semble.

L’UDC, soutien de l’initiative, s’est opposée à l’égalité entre hommes et femmes dans le droit du mariage et du divorce, au libre accès au droit à l’avortement. Cette initiative ne contribue en rien à émanciper des femmes des dictats imposés par certains courants politiques qui se proclament de la religion et qui, comme par exemple en Pologne aujourd’hui autour du droit à l’avortement, les oppriment.

Bien entendu, obliger une femme à porter la burqa est une oppression odieuse et doit être sanctionné. Mais une loi anti-burqa est hypocrite de la part de pays coloniaux ou qui ont profité du colonialisme, et qui ont par ailleurs fait de l’obligation de se dévoiler un moyen d’oppression lors des guerres d’indépendance. Dès lors, des femmes de ces pays ont pu choisir de porter la burqa pour affirmer leur refus, hier de l’oppression coloniale, aujourd’hui en Europe et aux Etats-Unis d’une société qui fait des musulman·e·s et des immigré·e·s les boucs émissaires de la crise capitaliste. Trump, Salvini, Le Pen en sont de tristes exemples.

Nous sommes donc contre l’initiative et contre toute obligation faite aux femmes de porter la burqa.

(Opinion parue le 26 janvier dans Le Courrier et cosignée avec la conseillère nationale vaudoise PS Ada Marra.)