Une série de cinq articles ont été publiés la semaine dernière dans les quotidiens Tribune de Genève et 24 heures. En parallèle à une procédure judiciaire menée par le Ministère public genevois, ils racontaient la machinerie mise en place par un homme d’affaire fortuné pour exploiter des locataires sans-papiers dans plusieurs immeubles.
À l’origine de la procédure pénale: un incendie dans le quartier des Pâquis, à la rue Royaume 8. Ce sinistre, le deuxième en quelques mois dans cet immeuble, a mis en lumière la situation des locataires qui y vivaient, victimes de marchands de sommeil et contraint-e-s de s’entasser dans des appartements aménagés de manière illégale, moyennant des loyers usuriers.
La focale est mis sur Genève, mais la situation est probablement encore pire ailleurs en Suisse. À Genève, la police ne vient pas chercher les parents sans-papiers à la sortie des écoles de leurs enfants, pour celles et ceux qui peuvent les scolariser.
Ces locataires sont des travailleur et travailleuses. Un-e sans-papiers qui ne travaille pas ne mange pas. Elles et ils n’ont pas accès à l’aide sociale, et rarement aux indemnités de chômage. Plusieurs dizaines de milliers de personnes sont ainsi contraintes de vivre à la marge de la société, sans aucun droit et sous la menace permanente d’une expulsion. Elles sont des victimes idéales pour des crapules à la recherche de main-d’œuvre à leur merci. La situation n’est pas meilleure lorsqu’elles et ils cherchent à se loger. La rue Royaume 8 et les autres immeubles cités dans ces articles en sont l’illustration: menaces d’évacuation manu militari si les locataires rechignent à payer, s’ils ou elles ne peuvent le faire ou réclament des conditions de logement décentes.
Les droits du bail et du travail sont insuffisants, mais les travailleurs-euses et locataires sans-papiers sont le plus souvent privé-e-s même de cette protection rudimentaire, faute de pouvoir accéder à la justice. Des employeurs et des propriétaires le savent et en abusent.
Cette misère et cette exploitation sordides ne seraient donc pas possibles, avec une telle ampleur, sans un droit inique en matière de séjour des étranger-ères (Loi fédérale sur les étrangers et l’intégration, LEI). Ce cadre pèse aussi lourdement sur les autres salarié-e-s œuvrant dans les secteurs employant majoritairement des sans-papiers (restauration, hôtellerie, économie domestiques, etc.). Les travailleuses et travailleurs de ces branches sont soumis à une forte concurrence que la loi ne peut réguler, à défaut de s’appliquer à une partie significative de ces salarié-e-s.
La solidarité envers les sans-papiers est donc un impératif de dignité élémentaire. Elle contribue aussi à renforcer les droits de toutes et tous les travailleur-euses. Les affaires dénoncées ces jours dans la presse, avec l’aide de l’Association suisse des locataires (ASLOCA) et de l’Association pour la sauvegarde du logement des personnes précaires (ASLPP) – créée par l’ASLOCA et la Caravane de solidarité durant la première phase de la pandémie de Covid-19 – doivent au minimum servir de fondement à la revendication visant à garantir l’accès à la justice pour les locataires et les travailleuses et travailleurs exploités, sans qu’ils risquent pour cette raison le renvoi de Suisse.
(Article par dans le dernier numéro de Services publics.)