Après les salariés, voici le tour des locataires

04 Jun 2024

Chronique publiée dans le Blick le 16 avril 2024.

Le PLR veut «rendre la construction attrayante». La semaine dernière, en conférence de presse, il a présenté sa proposition pour les surélévations d’immeubles. Le PLR veut s’inspirer de Genève où depuis 2008 cette possibilité existe dans la loi. Surprenant lorsque l’on sait que celle-ci porte la marque de l’ASLOCA, l’association suisse des locataires. A y regarder de plus près, le PLR semble surtout chercher à s’appuyer sur cette loi pour mieux la faire plier.

La communication du PLR intervient au moment où vont démarrer les campagnes politiques contre le démantèlement de la protection des locataires mené par ce même parti et ses alliés. Quatre propositions de l’UDC reprennent les revendications des milieux immobiliers et menacent la protection des locataires contre les congés et les loyers abusifs. Celles concernant les congés abusifs ont déjà été adoptées et sont combattues par deux référendums de l’ASLOCA. La date de la votation va bientôt être annoncée par le Conseil fédéral, sans doute pour septembre ou novembre. Le Parlement travaille également sur deux autres propositions. Elles supprimeraient la possibilité de contester un loyer abusif au début du bail et permettraient de rendre légal les loyers hyperabusifs du marché. L’ASLOCA se prépare par ailleurs à lancer une initiative pour empêcher les loyers abusifs.

Supprimer des lois qui protègent les locataires?

Le niveau des loyers est une préoccupation majeure de la population. S’attaquer au droit du bail n’est donc pas porteur. Dès lors, et comme Guy Parmelin en février, le PLR cherche à manifestement déplacer le débat sur un autre terrain politique que le besoin des locataires à être protégés. Le PLR assène un dogme: pour lutter contre la crise, il n’y a que le marché, qui dysfonctionne parce qu’il y a trop de règlementation. Donc, il faut supprimer des lois. Et lesquelles s’il vous plaît? Bien entendu pas celles qui permettent à une poignée de propriétaires de bloquer des projets de construction durant des décennies, mais les lois cantonales de protection des locataires et celles destinées à préserver la qualité de vie des habitants. En mars, le PLR a soutenu la possibilité de construire des logements sous les avions. Il propose aujourd’hui de bâtir des villas de luxes sur les toits des immeubles et de chasser les locataires en place pour effectuer des rénovations.

La loi de 2008 sur les surélévations à Genève est le fruit d’une mobilisation des locataires. Elle conditionne les surélévations au respect de la qualité des quartiers et de la qualité de vie des habitants. En résumé, une surélévation est possible si l’espace entre les immeubles est suffisant. Il n’est pas question de priver de lumière du jour les habitants d’un quartier, en particulier ceux logeant dans les premiers étages. Le soleil n’est pas un luxe réservé à ceux qui peuvent payer cher et habiter les appartements du haut. De même, la loi exclut de construire en surélévation des logements de standing et limite le niveau des loyers. Surélever pour spéculer n’est pas permis à Genève et cela déplaît aux amis du PLR.

Après sa défaite, le PLR veut passer par Berne

Le PLR cherche aussi à affaiblir les lois cantonales qui protègent les locataires en cas de rénovation (LDTR à GE, LPPPL pour VD, BS). En général, lorsque le bailleur surélève un immeuble, il en profite pour faire de gros travaux de rénovations, qui vont de pair avec de fortes hausses de loyers et des congés. Grâces à ces lois, dans ces cantons, les locataires sont épargnés parce que les loyers sont contrôlés et temporairement limités après les travaux. Les bailleurs n’ont donc pas d’intérêt à chasser les locataires en place puisqu’ils ne pourront de toute façon pas relouer beaucoup plus cher. La situation est très différente ailleurs en Suisse. Selon une étude de l’Ecole polytechnique fédéral, entre 2014 et 2019 à Zurich, près de 13’000 locataires ont été expulsés lors de rénovations. Cette étude montre aussi que les personnes qui s’installent ensuite gagnent en moyenne 3600 francs de plus que les locataires qui ont dû quitter les lieux.

Les milieux immobiliers et le PLR ont combattu toutes ces lois. Ils ont perdu ces batailles et ne digèrent pas ces échecs. Alors, comme l’ont fait les organisations patronales avec les salaires minimaux cantonaux, les milieux immobiliers tentent de passer par Berne. Pour rappel, le Parlement fédéral a voté un texte du parti du Centre (d’Erich Ettlin) pour écraser les salaires minimaux dans les secteurs comme la restauration, la coiffure et le commerce de détails.

Ces attaques, bien loin de résoudre la crise du logement, vont accélérer le processus d’expulsion des classes populaires et moyennes des centres-villes et augmenter la ségrégation par l’argent sur le marché locatif. Seuls les bailleurs en profiteront.