L’été touche à sa fin. Il fut marqué par des vagues de chaleur. Le mercure est monté bien au-delà des 30 degrés. En ville, la température dépasse de 5 à 7 degrés celle de la campagne.
Les températures excessives ont et auront des effets catastrophiques pour des millions d’êtres humains (faim, maladies infectieuses, etc.). Selon l’Organisation mondiale de la santé, 3,6 milliards de personnes vivent dans un environnement très vulnérable aux effets du changement climatique1. En Suisse, celui-ci affecte la santé de la population, en particulier celle des personnes âgées.
La canicule ne frappe par ailleurs pas de la même manière riches et pauvres. Ces derniers cumulent les risques d’expositions, en vivant dans des quartiers très minéralisés et souvent plus éloignés des lieux de verdure et des points d’eau. On ne vit pas la canicule de la même manière aux Avanchets qu’à Saint-Prex.
Jusqu’à présent, l’isolation thermique des bâtiments était perçue comme un problème de chauffage et de déperdition de chaleur. Le débat juridique notamment s’est concentré sur le confort que les locataires sont en droit de revendiquer (20 à 21 degrés). Ce principe pourra sans doute servir de base pour les fortes chaleurs estivales. Mais la comparaison s’arrête là. Refroidir un appartement n’est pas aussi simple que de le réchauffer. Tout d’abord parce que la plupart des immeubles d’habitation ne sont pas équipés de climatisation. Ensuite parce que ces installations consomment énormément d’énergie et sont une source de pollution.
Pour faire face à la canicule, il faut changer d’échelle et d’approche, en agissant aussi et surtout sur les facteurs qui aggravent les îlots de chaleur. Ceci passe par la végétalisation des quartiers et donc par la diminution de l’espace dédié à la circulation et au stationnement automobile. Les initiatives «Climat urbain» d’Actif-trafic, qui prévoient de consacrer 1% de la voie publique aux espaces verts et arborés, vont dans le bon sens.
L’aménagement du territoire et les infrastructures doivent évoluer et intégrer le changement climatique. Les lieux publics comme les bibliothèques, les centres sportifs, les écoles devraient être adaptés pour devenir également des zones de «répit» pour les personnes les plus exposées.
La rénovation énergétique des bâtiments et leur adaptation à l’évolution de l’environnement se heurtent toutefois à la logique du profit immobilier et au fait que le parc immobilier est la propriété d’un grand nombre de personnes ou de sociétés, ce qui rend illusoire d’atteindre l’objectif de zéro émission de gaz à effet de serre en 2050.
Renforcer le service public est donc une nécessité. Comme pour le chauffage à distance, il peut répondre positivement à cet enjeu social et d’échelle. A titre d’exemple, à Genève, les Services industriels (SIG) se sont engagés dans un vaste programme de chauffage à distance. Pour garantir la faisabilité du projet, le canton a prévu de confier un monopole aux SIG. Ce projet a été plébiscité en votation populaire, le 13 février 2022 (79,25%).
Il s’agirait donc de confier au service public un droit d’usage notamment sur les toitures, les façades et les espaces privés adjacents des immeubles d’habitations collectives. Ceci afin de réaliser les aménagements nécessaires pour faire face à la canicule et combattre les îlots de chaleur, mais également pour y installer, lorsque cela s’y prête, des centrales solaires de production d’électricité.
Actuellement, le financement de cette transition repose pour bonne part sur les consommateur·trices. Il laisse intact les gigantesques profits des bailleurs alors que ces investissements valoriseraient leur patrimoine. Etendre la taxe sur la plus-value foncière ou créer un système similaire pourrait participer à y remédier. Aujourd’hui, le bénéfice de cette taxe peut être utilisé pour financer des aménagements. Il s’agirait d’élargir l’assiette de cette taxe en incluant une partie des profits réalisés lors des ventes d’immeubles. Ces dernières années, les prix ont considérablement augmenté au détriment des habitant·es qui subissent les fortes hausses de loyer subséquentes. Une telle taxe aurait donc aussi un effet de compensation.
Le renforcement du service public dans un domaine hautement stratégique comme la production de chaleur et de froid prémunirait la population contre la spéculation sur le marché de l’énergie. Il prendrait le contre-pied de la décision du Conseil fédéral d’ouvrir des négociations en vue de la libéralisation intégrale du marché de l’électricité, qui avait été refusée en votation populaire en 2002.
Chronique publiée le 3 septembre dans Le Courrier:
1 https://www.meteosuisse.admin.ch/climat/climat-de-la-suisse/chaleur-en-milieu-urbain.html