L’heure des revendications sociales

10 Mar 2020

Le 19 février, le Conseil fédéral annonçait un excédent aux comptes 2019 de 3,1 milliards. Le communiqué titrait: « Compte 2019: excédent réjouissant ».

Les causes de l’excédent n’ont cependant pas de quoi réjouir les salarié-e-s.

Celui-ci est dû à la diminution des dépenses et à des rentrées plus importantes que prévues, pour l’impôt anticipé (+1,3 milliards) et l’impôt fédéral direct sur les bénéfices des entreprises (+0,5 milliards). Le résultat de la TVA chute de 0,9 milliards.

C’est sur la prévoyance sociale que la Confédération a le plus économisé.

La TVA frappe les dépenses de consommation et non l’épargne. Elle impacte plus les ménages qui utilisent l’intégralité de leurs revenus pour leurs dépenses courantes que ceux qui ont une capacité d’épargne. La TVA est antisociale, parce qu’elle réduit la consommation des salarié-e-s. Le recul du produit de la TVA reflète entre autres une crainte quant à l’avenir des retraites.

L’impôt anticipé (IA) frappe les rendements des capitaux mobiliers, notamment les intérêts de l’épargne et les dividendes sur les actions. Il est destiné à lutter contre la fraude. Le contribuable peut obtenir le remboursement de l’IA, s’il déclare ses revenus. Les très grandes fortunes échappent malgré cela souvent à l’impôt fédéral direct, qui est le plus social. L’impôt sur le revenu frappant les actionnaires majoritaires a été réduit par l’ancien conseiller fédéral libéral-radical, Hans-Rudof Merz. 

Ainsi, tandis que la situation économique d’une partie des salarié-e-s – suffisamment significative pour influencer le résultat de la TVA – se dégrade, la redistribution en faveur des actionnaires crève le plafond. La Suisse continue par ailleurs à accueillir un volume très important de fonds détenus par des particuliers-ères vivant dans d’autres pays que ceux avec lesquels elle échange des données fiscales – soit, en simplifiant, les pays de l’Union européenne et d’Amérique du Nord.

Les quelques 6 940 milliards de francs sous gestion en Suisse ne profitent manifestement pas autant aux salarié-e-s, actuel-le-s, ancien-ne-s et futur-e-s qu’aux quelque 248 banques qui opèrent en Suisse et leurs actionnaires. Le bénéfice de ces établissements bancaires a augmenté de 17,3 % en 2018, pour atteindre 11,5 milliards de francs[1], alors que beaucoup de besoins sociaux restent insatisfaits. La pauvreté frappe aussi la Suisse. En 2018, il y avait 135 000 travailleuses et travailleurs pauvres, tandis que le taux de pauvreté augmente depuis cinq ans. Le revenu disponible du 10% des ménages les plus démunis a diminué [2].

Deux observations s’imposent : la bourgeoisie suisse prépare la base pour de nouvelles baisses d’impôts profitant surtout aux privilégié-e-s, alors qu’il faut au contraire revendiquer pour les salarié-e-s des prestations sociales couvrant les besoins, dès lors qu’ils et elles produisent toute la richesse.

À minima, il s’agirait de revendiquer:

  • une rente-pont pour les travailleuses et travailleurs âgé-e-s de plus de 55 ans ne trouvant plus d’emploi;
  • une politique familiale offrant des accueils en crèche et en parascolaire accessibles financièrement et en suffisance partout en Suisse;
  • des prestations complémentaires qui couvrent les loyers réels;
  • des bourses d’études et des logements bon marché pour les personnes en formation;
  • le refus de toute augmentation de l’âge de la retraite et un financement durable des retraites, avec un taux de remplacement de 75% au moins.

Ces revendications émanent, d’une part, des mobilisations progressistes qui ont lieu autour du climat et des droits des femmes, de l’autre, des militant-e-s syndicaux-les. Cela, alors qu’une partie du patronat est apeurée par les conséquences d’une acceptation de l’initiative de l’UDC et du refus d’un accord-cadre avec l’Union européenne. 


[1] www.swissbanking.org/fr/medias/positions-et-communiques-de-presse/barometre-bancaire-2019-face-a-un-contexte-exigeant-les-banques-en-suisse-relevent-le-defi

[2]www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/situation-economique-sociale-population/bien-etre-pauvrete/pauvrete-et-privations-materielles/pauvrete.html

(in Service public, 13 mars 2020)