Lorsque la faim est à la porte, les chercheur-euses s’en vont par la fenêtre

05 Jan 2021

(Interpellation déposée au Conseil national lors de la session parlementaire de décembre 2020.)

Suite à ma question 20.5974, je prie le Conseil fédéral d’indiquer:

1. comment juge-t-il l’efficacité des mesures prises dans le Message FRI 2017-2020 et qu’il veut reconduire ?

2. quelle est sa détermination sur les recommandations 9, 19, 20 et 23 du rapport “Next Generation: pour une promotion efficace de la relève” (p. 59-61) pour le renforcement des postes en CDI aux échelons intermédiaires de la hiérarchie académique?

3. quelle est sa détermination sur les revendications des collaborateur-trices des hautes écoles citées dans la pétition ” Pour la création d’emplois permanents dans le monde académique ” (www.petition-academia.ch) et sur les témoignages de souffrance au travail relayés par la presse ?

4. connaît-il l’impact du système de mise en compétition généralisée sur la santé du personnel académique et sur la qualité de sa recherche ? Peut-il documenter ses éventuels constats ? A défaut, comment pourrait-il le faire et envisage-t-il de le faire ? 

5. quelles mesures peut-il et va-t-il prendre pour résoudre le problème de la précarité parmi les collaborateur-trices très qualifié-es du monde académique, mais trop âgé-es pour envisager une reconversion extra-académique ?

Développement :

Les conditions de travail et les perspectives de carrière dans l’enseignement et la recherche font l’objet de questionnements et de mobilisations (12.334320.3121, ASSH et pétition précitées). Le recours majoritaire et prolongé aux contrats à durée déterminée (CDD) a des effets négatifs sur les collaborateur-trices, la recherche et l’enseignement. L’encadrement des étudiant-es reposent à 80 % sur ce personnel à durée déterminé (SEFRI – Hautes écoles universitaires (éd.) (2014), Mesures pour encourager la relève scientifique en Suisse. Rapport du Conseil fédéral suit au postulat CSEC-E (12.3343) (p.7)).

Pour y remédier, le Conseil fédéral met en avant des mesures visant surtout à favoriser les postes de professeur-es assistant-es en pré-titularisation conditionnelle (Message FRI 2017-2020) et à renforcer les compétences transversales des doctorant-es notamment en vue de leur insertion professionnelle hors du monde académique.

Ces types de mesures ne sont pas satisfaisantes.

Les premier-ères concerné-es ne sont d’ailleurs pas les seul-es à le remarquer. Swissuniversites a relevé l’impact ” limité ” des postes de professeur-es assistant-es (” Stratégie et planification 2021-2024 “, p. 40).

Les subsides Eccellenza Grants (FNS) ne sont pas plus une solution pour la relève. Ils ont été supprimés en novembre et étaient attribués à des personnes déjà pré-titularisées. Les subsides qui les remplacent, destinés à des chercheur-euses très avancé-es, ne prévoient pas de stabilisation (Eccellenza Professorial Fellowships).

Les mesures pour renforcer la formation des doctorant-es en vue de leur réinsertion extra-académique se heurtent au fait que la précarité touche aussi (et peut-être avant tout) celles et ceux qui ne sont plus en formation (chargé-es de cours, chargé-es de cours, d’enseignement, collaborateur-trices scientifiques) employées à temps très partiels et/ou sur des CDD en chaîne.

Le taux effarant de contrats précaires pour le personnel de niveau intermédiaire dans l’enseignement supérieur ne se justifie pas par le caractère temporaire des tâches de recherche et d’enseignement effectuées. Il faut y remédier. Compte tenu des montants investis par la Confédération dans la recherche et la production scientifique via le FNS entre autres, la Confédération dispose de réelles marges de manoeuvres pour proposer une politique ambitieuse d’emplois stabilisés.