(Article paru dans l’édition du 1er avril du journal Services Publics.)
AVS 21 est une attaque sur les droits des assurées. Cette contre-réforme impose une triple peine pour les femmes, en les forçant à travailler un an de plus pour la même rente. La droite au Conseil des Etats a adopté ce projet, en mars, malgré les fortes mobilisations de la grève des femmes et la pétition de l’USS de plus de 300 000 signatures. La droite veut creuser les inégalités entre femmes et hommes, alors que les femmes reçoivent souvent des rentes inférieures à celle des hommes. Beaucoup d’entre elles réduisent en effet leur temps de travail et/ou arrêtent de travailler pour s’occuper des enfants. La droite a également sabré dans la modeste compensation, limitées dans le temps, que prévoyait le projet du Conseil fédéral.
La contre-réforme de l’AVS, en prévoyant selon la novlangue néo-libérale une « flexibilisation » du départ à la retraite, supprime en outre la notion d’âge de la retraite. Le Conseil fédéral et la droite prennent acte du fait que les retraites sont aujourd’hui insuffisantes. Au lieu de les revaloriser, ils proposent de « permettre » aux salarié.es aux revenus modestes de travailler 5 ans de plus pour les augmenter. Or, l’espérance de vie varie fortement selon le niveau de revenu et la catégorie socio-professionnelle, soit selon la classe sociale.
La capacité financière de travailleur.euses détermine leur capacité à accéder aux soins – en particulier dentaires – et leurs conditions de vie, par exemple leur logement et leur alimentation. Selon la catégorie de métier, le salarié.es est aussi plus ou moins exposé.es aux risques de maladies résultant du cadre de travail.
On ne dispose en Suisse que de peu de données permettant de documenter cette réalité, contrairement aux autres pays d’Europe occidentale[1]. Le Conseil fédéral et le Parlement refusent que cette réalité soit étudiée d’un point de vue statistique. Lors de la session de mars du Conseil national, la motion intitulée « Mortalité, invalidité et risques selon la profession et la classe sociale en Suisse » a été rejetée.
Les données issues de l’assurance-accidents permettent cependant de dessiner le tableau[2] : 819 000 accidents de travail, 3 400 nouvelles personnes atteintes d’une maladie professionnelle, 1 700 nouveaux.elles invalides, 600 décès. Il s’agit là uniquement des cas officiellement reconnus, étant précisé que la loi contient un mécanisme très restrictif, qui prive bon nombre de personnes des prestations de cette assurance sociale. C’est ainsi qu’à ces chiffres pourraient par exemple s’ajouter les cas de détresse psychologique, de troubles du sommeil, deux fois plus élevés chez les personnes ayant un faible niveau de formation.
Même sans données complètes et généralisées à l’échelle de la Suisse, la portée de la contre-réforme du système de retraite se laisse aisément percevoir. Elle creusera encore les inégalités sociales. Pourtant, quelques francs par mois de cotisations supplémentaires suffiraient à maintenir le niveau des retraites[3] (0,9% à répartir paritairement).
Au lieu de casser les retraites, le Parlement fédéral devrait assurer que les rentes permettent de vivre décemment. Ce n’est pas le cas pour des centaines de milliers de retraité.es. Il faut donc se préparer à lancer le référendum et à se mobiliser pour le faire aboutir.
[1] Question parlementaire 20.5672
[2] LAA, Statistique des accidents 2020 ; OFS, Rapport social statistique suisse 2019