Samedi a eu lieu à Genève la première action des livreurs depuis la fin de la conciliation devant l’autorité de conciliation en matière de conflit collectif de travail (CRCT). Paix du travail oblige, les livreur.euses ne s’étaient plus manifesté.es depuis la mi-décembre.
Une nouvelle étape dans cette lutte des livreurs s’est ouverte. Se joue ici une bataille de principe qui appelle la solidarité de toutes et tous. Le combat des livreurs incarne la volonté d’être traité de manière digne et de s’opposer à la surexploitation. Avec Smood et ses concurrents, on est aux confins du droit du travail. L’entreprise signe certes des contrats de travail avec ses livreurs, mais ce document est loin de garantir quelque chose, hormis d’astreindre les livreurs à une série d’obligations telles que des pénalités et l’interdiction de travailler pour la concurrence. Se surajoute l’informatique et ses « défaillances » qui pique çà et là des heures de travail et des kilomètres pourtant parcourus.
Smood met en concurrence ses salarié.es avec des intérimaires « maison » de Simple Pay, entreprise qui lui est liée et qui fournit des travailleur.euses au statut plus précaire encore puisqu’ils ne sont payés que lorsqu’ils livrent. Ici, le concept-clef c’est : le travail sur appel improprement dit. Ce concept juridique, digne de la novlangue d’Orwell, permet à l’employeur d’engager des livreurs en surnombre, qu’il ne paye pas sauf s’ils parviennent à obtenir une course.
Simple Pay, c’est l’âme damnée de Smood. C’est l’organisation qui permet de promettre monts et merveilles sans devoir bourse délier. Smood annonçait à ses livreurs la semaine dernière qu’il paierait 23.- francs de l’heure et qu’il s’attendait à des actions de grâce pour ces bontés. L’employeur fustigeait les syndicats et la grève, en refaisant l’histoire, et en prétendant qu’il souhaitait augmenter les salaires de longue date mais que la grève l’en avait détourné. Si l’augmentation de salaire devait s’accompagner d’une augmentation du nombre d’intérimaires, elle risquerait de ne concerner que peu de monde en réalité.
Ce jeu entre Smood et Simple Pay est au centre de la mobilisation socials. La CRCT l’a très bien compris. Cette dernière a en effet rendu ses recommandations lundi. Elle pose un socle de dignité élémentaire en préconisant notamment que les livreurs obtiennent un nombre d’heure minimum de travail garanti, que la planification du travail prenne en compte des besoins fondamentaux de s’occuper de ses enfants et d’avoir un second emploi – indispensable vu la faible rémunération chez Smood – et que les intérimaires de Simple Pay soient payés pour l’intégralité de leur travail.
La CRCT a malheureusement pas considéré qu’elle était compétente pour se prononcer sur le licenciement de trois anciens grévistes. A quelques jours de la fin de la conciliation, Smood avait en effet viré ces salariés dont l’un participait aux négociations ! Le signal était clair pour les livreurs. Plusieurs anciens grévistes ont aussi indiqué qu’elles et ils ne parvenaient pas à obtenir le même taux d’activité que celui qu’ils avaient avant la grève. Une action de solidarité devrait prochainement être menée pour lever des fonds en faveur des anciens grévistes en difficultés. Des procédures judiciaires seront aussi entamées.
La lutte des livreurs de Smood et de Simple Pay doit être soutenue pour opposer un net refus à un modèle qui repose sur la surexploitation et qui menace d’autres secteurs comme les soins à domicile.
(Un article à paraître dans le prochain numéro du journal du SSP.)