Des pistes pour protéger les salarié·es

16 Mar 2022

Le licenciement de substitution est une forme de sous-enchère qui frappe en particulier les cantons frontaliers. Il consiste à congédier un salarié pour engager un frontalier.

L’UDC a beaucoup communiqué sur cette forme de sous-enchère et s’en sert comme fonds de commerce électoral. Elle donne ainsi l’apparence de se préoccuper des travailleurs, alors qu’elle combat toute avancée en la matière. L’UDC parvient ainsi à évacuer le fond de l’affaire, soit le fait que les employeurs et leurs représentants politiques cherchent à mettre les travailleurs en concurrence et à exploiter au mieux les différences de situations sociales entre la Suisse et les pays d’origine des travailleurs. Ceci permet d’accroître l’exploitation et de maximiser la plus-value.

Ce sont les employeurs qui sont responsables du dumping – et pas les salariés étrangers, contraints de s’expatrier pour subvenir à leurs besoins. Cette responsabilité est aussi celle des représentants politiques des employeurs, qui refusent de mettre en place des instruments efficaces contre ce dumping. Les licenciements de substitution illustrent les carences du droit suisse, que l’initiative du Canton du Tessin cherche à améliorer (lire en page 3).

Il y a beaucoup à faire. Les mécanismes contre la sous-enchère adoptés lors de l’acceptation de l’accord de libre-circulation des personnes sont insuffisants. La responsabilité solidaire des entreprises, destinée à éviter la sous-traitance à des sociétés étrangères engageant des salariés à des conditions inférieures à celles prévues en Suisse, est un vrai parcours du combattant pour les salariés qui en sont victimes. Ces derniers doivent agir contre l’entreprise qui les a engagés, mener la procédure sans succès jusqu’à son terme, avant de revenir en Suisse pour agir contre l’entreprise sous-traitante. Cette dernière peut alors se soustraire à sa responsabilité en montrant qu’elle avait choisi l’entreprise sous-traitée avec diligence. En bref: des années de procédures coûteuses dans deux pays au moins, avec la nécessité d’apporter des preuves souvent non disponibles. Des démarches hors de portée pour les salariés grugés.

Les mesures prévues pour lutter contre la sous-enchère, limitées aux cas de dumping abusif et répété, ne sont guère plus efficaces.

La proposition initiale débattue au parlement tessinois prévoyait que les licenciements de substitution ne devaient pas seulement être tenus pour abusifs, mais nuls. C’est une des solutions envisageables pour protéger réellement les salariés. Des pistes concrètes ont été esquissées en lien avec la plainte que l’Union syndicale (USS) avait déposée contre la Suisse pour l’absence de protection des délégués du personnel. Il serait ainsi possible de permettre aux syndicats et aux employeurs de prévoir que ces licenciements soient considérés comme sans effet, ce que le Tribunal fédéral interdit aujourd’hui. Sans respect de la liberté syndicale, cette solution n’en est toutefois pas une. Il est aussi possible de prévoir la réintégration de la personne congédiée, ou encore le versement d’une indemnité conséquente en guise de sanction. Il faudrait alors que celle-ci soit assortie d’un plancher, comme le Conseil fédéral l’a fait au détriment des assurés dans le domaine de l’assurance chômage. L’employeur pourrait être aussi contraint de proposer un emploi pérenne équivalent.

Toutes ces mesures nécessitent une base sociale et une majorité politique qui font défaut. Le débat sur l’initiative du Canton du Tessin a toutefois mis deux éléments en lumière: d’une part, la tartufferie de l’UDC qui a soutenu le texte au Tessin, mais le combat à Berne; de l’autre, le fait que la solidarité de tous les salariés est le préalable indispensable à toute amélioration de leurs conditions de travail.

Article à paraître dans le journal du Syndicat des Services publics en mars 2022.