L’inflation est de retour et menace le pouvoir d’achat. La hausse des prix de l’énergie s’ajoute à celle des loyers, constante durant la dernière décennie. Les compagnies d’assurances, les banques et les sociétés de capitaux accaparent, sous forme de loyers abusifs, une partie importante du revenu des ménages. Une étude[1] commandée par l’ASLOCA montre l’ampleur de cette spéculation : entre 2006 et 2021, les locataires ont payé près de 78 milliards en trop, soit en moyenne 370 francs par mois et par foyer.
Le droit du bail est largement insuffisant. Les bailleurs ne sont certes pas autorisés à imposer des loyers abusifs. S’ils le font tout de même, la charge de s’y opposer retombe sur les seuls locataires qui doivent entreprendre une procédure judiciaire. Peu de locataires sont enclins et ont les moyens de faire un procès à leur bailleur, même si l’ASLOCA a obtenu la gratuité du tribunal dans certains cantons comme Genève. Plus fondamentalement, pourquoi, lorsque le bailleur cherche à imposer un congé ou un loyer abusif, c’est au locataire que devrait incomber la tâche d’entamer une procédure judiciaire ? Avec ce système absurde, les droits des locataires restent un tigre de papier.
Il faut aussi relever que les conditions d’exercice de ces droits ont été durcies par le Tribunal fédéral. À l’opposé, ce dernier facilite les résiliations de bail, ce qui permet aux bailleurs de relouer plus cher leurs appartements, en profitant de la crise. Le droit fédéral ne protège également pas les locataires contre les hausses de loyer après les rénovations. Le bailleur peut répercuter sur le locataire entre 50% et 70% du coût des travaux, alors qu’en pratique que seul 30% à 50% de celui-ci représente une réelle plus-value. Pire encore, le Tribunal fédéral autorise le bailleur à résilier les baux des locataires en place pour faciliter les chantiers.
Plusieurs cantons disposaient d’une protection supplémentaire en cas de travaux. Si Genève a réussi à la maintenir, ce ne fut pas le cas à Bâle-Ville, dans le canton de Vaud et à Zürich. Depuis lors, l’ASLOCA Vaud et Bâle-Ville ont lancé des initiatives populaires qui ont rétabli cette protection. Dans ces cantons ainsi qu’à Genève, l’Etat vérifie de manière automatique et gratuite pour les locataires les loyers admissibles après les travaux. Ces majorations sont en outre temporairement plafonnées. Ce processus se poursuit à Genève où l’ASLOCA a lancé une initiative populaire – en cours de récolte[2] de signatures – pour placer la protection des locataires au cœur de la politique climatique.
L’expérience de ces cantons montre que le contrôle des hausses de loyer par l’Etat est efficace pour protéger les locataires. Le contrôle se fait automatiquement et sans frais pour le locataire, qui n’a ainsi pas besoin de se lancer dans une procédure judiciaire pour s’opposer à une prétention abusive de son bailleur. Ce modèle devrait dès lors être une revendication centrale des locataires pour le maintien du logement abordable.
(Article paru dans le journal du MPF, Le monde du travail, n°275, mai 2022)
[1] www.asloca.ch/nous-locataires/
[2] www.asloca.ch/geneve/initiative-cantonale-fonds-renovation/