Battons-nous pour le droit à l’information

18 May 2022

Mardi dernier, la majorité de droite au Conseil national a entériné la décision du Conseil des Etats de faciliter l’interdiction par voie judiciaire de publier des articles de presse ou des reportages (mesures provisionnelles). Ce changement vient renforcer l’arsenal juridique régulièrement utilisé par l’armée d’avocat-es dont certains hommes et femmes d’affaires s’entourent pour faire taire la critique et maintenir un voile sur des activités pas ou peu reluisantes.

La droite adresse un message aux médias et aux journalistes : qui se frotte à ses affaires et à celles des businessmans qu’elle représente peut s’y piquer et parfois même mettre en danger sa survie économique.

Le Courrier a failli disparaître pour un éditorial jugé trop critique à propos de M. Gandur[1]. Ce dernier s’était pourtant engagé dans la sphère du débat politique, en intervenant dans un partenariat public-privé âprement débattu et finalement rejeté en votation populaire.

Très récemment, Le Courrier s’est vu interdire la publication d’un article[2] concernant la condamnation pénale d’un promoteur genevois, complice de l’ancien dirigeant de la banque Raiffeisen P. Vincenz, par la justice zurichoise. Il est possible que des interventions du même type aient été faites auprès d’autres médias[3].

Gotham City, revue en ligne, fait régulièrement l’objet de poursuites judiciaires. Elle est particulièrement exposée puisqu’elle enquête et rend accessibles des affaires de criminalité économique. Le travail de Gotham City a sans doute pesé sur la volonté de la droite d’affaiblir la protection légale des médias. La proposition débattue à l’Assemblée fédérale a été faite, sans crier gare, peu après la votation de mars 2021 concernant l’accord de libre-échange avec l’Indonésie. Durant cette campagne, l’avocat PLR d’un homme d’affaires indonésien avait obtenu une interdiction de publication contre Gotham City. Il s’agissait d’une enquête sur son client, ses relations en Suisse et les poursuites pénales dont il faisait l’objet pour fraude fiscale. Cette interdiction est tombée à point nommé pour empêcher l’article de paraître avant la votation populaire[4].

Ces exemples montrent qu’avec le texte adopté mardi dernier, il ne s’agit pas de protéger la vie privée ou familiale de quelques personnalités, mais de jeter un voile sur des affaires de nature politiques ou économiques[5].

L’usage d’un droit de réponse doit rester la voie royale pour contester une publication jugée erronée. Le droit de réponse permet au public de se forger une opinion par la lecture de plusieurs sons de cloche. Cette dialectique est un des fondements de la démocratie.

Cette modification aurait justifié le lancement d’un référendum. La droite en était consciente. C’est pour cela qu’elle a cherché à noyer cette modification dans la masse des propositions liées à la révision générale du Code de procédure civile. La droite a refusé de traiter à part cette question du droit des médias[6] ainsi rendre impossible d’en appeler à la population.

Face aux enjeux de la période actuelle, une information libre et indépendante ainsi que la pluralité des médias sont plus nécessaires que jamais. Cette attaque contre le droit des médias doit être stoppée et des mesures prises contre les actions destinées à bâillonner la presse. Le groupe socialiste aux Chambres fédérales est engagé dans cette bataille.

(Article paru le 17 mai dans la newsletter du Parti socialiste genevois.)

[1] https://lecourrier.ch/2021/11/23/le-courrier-perd-au-tribunal-federal/

[2] https://lecourrier.ch/2022/05/11/liberte-de-la-presse-malmenee-2/

[3] https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20223502

[4] https://gothamcity.ch/2021/06/11/un-magnat-indonesien-a-fait-censurer-gotham-city-avant-le-vote-du-7-mars/

[5] www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20223498

[6] Proposition individuelle Dandrès à l’art. 266 (scission du projet), consultable ici