Initiative pour une 13ème rente AVS

15 Dec 2022

Il faut d’abord saluer le travail effectué par le mouvement syndical et la grève des femmes, qui a rendu possible le dépôt de cette initiative et le débat que nous menons aujourd’hui.

Cette initiative est une réponse très concrète à la pauvreté qui frappe les salariés une fois que l’âge de la retraite est atteint. On doit alors faire face à des charges qui ne diminuent pas – et même, au contraire, qui vont augmenter à l’avenir – avec un objectif politique de rente de remplacement de seulement 60 pour cent du dernier salaire. Il devient complexe, lorsque déjà avant l’âge de la retraite on avait un salaire qui suffisait à peine pour couvrir les charges fixes, notamment le loyer et les primes d’assurance-maladie, d’arriver à les payer une fois que l’âge de la retraite est atteint.

J’aimerais également dire que la précarisation des aînés, c’est le constat d’échec du système de retraite à trois piliers. C’est une véritable usine à gaz qui ne répond ni aux besoins de la population, on le constate, ni même à des exigences démocratiques. Le système est devenu, surtout pour le deuxième et le troisième pilier, le terrain de jeu des assureurs, qui ponctionnent très lourdement la population avec des polices qui sont parfois de vraies arnaques. Tout système de retraite doit assurer à la majorité de la population et des salariés le maintien de leur niveau de vie après des décennies de labeur. C’est le mandat donné par la Constitution. Or, nous en sommes très loin. Beaucoup de chiffres ont déjà été donnés et je ne vais pas les répéter.

Le système des trois piliers est aussi inadapté à la réalité du marché du travail. Il y a naturellement la question des femmes. D’autres avant moi se sont déjà exprimés sur ce sujet, je n’y reviendrai donc pas. Autre exemple, on constate que beaucoup de travailleurs n’atteignent pas l’âge de la retraite en emploi. On l’a vu lors de la mobilisation des chauffeurs Uber et d’autres plateformes numériques de travail, les cinquantenaires étaient très nombreux. Il s’agissait de salariés qui ont été mis à la porte à l’aube de la cinquantaine, humiliés par des mois de recherches d’emploi infructueuses imposées par le chômage, car très peu d’entreprises embauchent après 50 ans. Et chaque mois passé sans cotiser au deuxième pilier voit s’envoler la perspective d’avoir une retraite digne.

La Suisse a largement les moyens d’assurer la couverture prévue par la Constitution. L’augmentation des richesses dans notre pays est phénoménale. En 1991, les personnes qui déclaraient une fortune d’au moins 5 millions de francs possédaient cumulativement 100 milliards de francs. Trente ans plus tard, c’est 800 milliards. Mais il n’y a pas besoin de toucher aux personnes fortunées puisqu’il suffirait, cela a été dit, d’augmenter les cotisations de 0,7 à 0,8 pour cent, à répartir paritairement je le précise, pour pouvoir financer le complément de rente. C’est le prix d’à peine un plat du jour par mois pour un salaire médian. C’est tout à fait accessible.

Et puis il y a le fait que les deuxième et troisième piliers sont devenus la mangeoire des assurances privées. Les assurés n’ont jamais autant payé de cotisations à la prévoyance professionnelle, et pour toucher des rentes en baisse. Plus de la moitié des assurés du pays le sont auprès d’assurances privées qui engrangent des bénéfices phénoménaux. Ces gains sont ponctionnés sous forme de frais de gestion de la fortune qui oscillent entre 1,8 et 3,9 milliards de francs, ce qui représente pas loin de 500 francs par année et par assuré. En comparaison, les frais de gestion des caisses professionnelles sont de l’ordre de 0,02 à 0,1 pour cent de la masse salariale, ce qui représente entre 16 et 148 francs par an pour un salaire médian.

Mais le truandage ne s’arrête pas là. Cela a été expliqué par Mme Badran, les assurances bénéficient d’un système de participation au bénéfice tout à fait exceptionnel: elles se voient garantir une part minimale de 10 pour cent de la prime de risque, des coûts administratifs et des rendements des capitaux de prévoyance. C’est proprement inouï!

Tant les assurés dans le deuxième pilier que les PME ont un véritable intérêt à un renforcement de l’AVS. Prenons le cas des petits patrons. Ils sont attirés par ces assurances parce que qu’ils obtiennent des rabais dans d’autres contrats, notamment ceux d’assurance-accidents. Ils sont ensuite captifs du système et n’arrivent plus à trouver d’autres institutions de prévoyance qui les acceptent. Ils doivent donc continuer à payer très cher pour peu de chose.

Le système des trois piliers pose aussi un problème démocratique fondamental. Pour que le système soit contrôlable par les assurés, il doit être simple, il doit être compréhensible. Or le deuxième pilier est un monstre technocratique qu’à peine une poignée de spécialistes est capable de comprendre correctement. Il n’y a évidemment pas d’objectif de rente dans le régime de la primauté des cotisations, qui est celui de la plupart des institutions du deuxième pilier, et les assurés assument tous les risques liés aux placements. Le patron est totalement libéré des obligations s’agissant du niveau des rentes futures.
Il faut cesser de faire croître ce véritable moloch que sont devenus le deuxième pilier et le troisième pilier et renforcer l’AVS, comme le propose l’initiative: l’AVS est la seule assurance véritablement sociale.