Répondre à la crise du logement avec des mesures sociales

13 Jun 2023

Le conseiller fédéral Guy Parmelin s’inquiétait dans la presse de dimanche de l’aggravation de la pénurie de logements. Entre 2021 et 2022, le taux de vacance de logements à louer a chuté en Suisse de 1,54% à 1,31%. Il y a pénurie lorsque ce taux est inférieur à 1,5%. La barre du 1% devrait être franchie en 2024!1 La pression sur les loyers va croître, la pénurie s’ajoutant au taux hypothécaire et à l’inflation.

 

Des mesures s’imposent, même pour un magistrat qui a jusqu’ici refusé d’aider les locataires et combattu toutes les propositions de l’Asloca. Deux exemples: Guy Parmelin s’est opposé à la proposition de réduire le loyer des locataires d’établissements commerciaux contraint·es de fermer leurs portes à cause du Covid (20.3451). Il a également mené campagne contre l’initiative populaire de l’Asloca «Davantage de logements abordables».

Il faut donc rester sur le qui-vive. Les milieux immobiliers, dont M. Parmelin a toujours défendu les intérêts, ont aussi leurs «remèdes» à la crise. Ce dernier n’a pas encore détaillé ses mesures, mais les axes évoqués dans la presse inquiètent: priorité au marché et amélioration des conditions-cadres. En général, à l’UDC, ceci signifie privatisation et dérégulation.

Quoi qu’il en soit, il faut utiliser la brèche ouverte par M. Parmelin pour proposer des solutions progressistes et sociales à la crise. Celle-ci ne résulte pas uniquement du faible nombre de logements disponibles, mais surtout des loyers inaccessibles aux classes populaires et moyennes. Il faut garantir la protection des locataires contre les loyers abusifs. Or, les plus fortes hausses de loyer se font lors du changement de locataire. Pour un logement de 4 pièces (100 m2 construit en 2011), cette différence entre loyer ancien et nouveau était de 300 francs en 2011 et de 600 francs en 2015.2

Prévoir que c’est au bailleur de justifier cette majoration plutôt qu’au locataire, grâce à un contrôle automatique, serait un pas décisif. Un tel contrôle a existé en Suisse durant des décennies et continue à Genève, dans le Canton de Vaud et à Bâle-Ville pour les hausses consécutives aux rénovations. Le système est simple: le bailleur remplit un fichier en indiquant ses investissements et la nature des travaux. L’administration détermine alors le loyer autorisé. Les locataires sont protégé·es sans avoir à saisir un tribunal. Un système similaire doit être mis en place pour les hausses de loyer au changement de locataire.

Autre proposition. Le nombre de ménages augmente plus vite que la population3. Des locataires, en particulier des aîné·es, sont disposé·es à céder leur logement devenu trop grand à des familles. Le niveau actuel des loyers supprime cependant tout intérêt à de tels échanges. Pourquoi déménager dans un appartement plus petit s’il faut payer le même loyer voire plus cher? Une solution techniquement simple consiste à autoriser les transferts de baux entre locataires de logements, ce qui est déjà possible pour les baux commerciaux. Cette proposition a été faite sans succès en 2011 (11.421).

La Confédération et les cantons doivent aussi soutenir les bailleurs sans but lucratif, en mettant à disposition des terrains. Les CFF sont propriétaires de nombreux terrains qui doivent servir à réaliser des logements bon marché(21.531) et non pas à aggraver la spéculation, avec des appartements hors de prix comme à la Tour Opale à Chêne-Bourg (GE). Le Conseil fédéral impose une toute autre politique aux CFF, en exigeant des rendements élevés au détriment des locataires.4

Enfin, et contrairement aux déclarations de Guy Parmelin, il est primordial de ne pas laisser la priorité au marché dont la finalité est de dégager un profit maximal. Les terrains constructibles sont rares et doivent servir à réaliser des logements correspondant au besoin de la majorité de la population.

Christian Dandrès est conseiller national et juriste à l’Asloca. Il s’exprime ici à titre personnel.

Chronique parue dans Le Courrier.