Que nous dit l’échec de l’initiative de plafonnement des primes d’assurance-maladie sur la campagne de votation sur EFAS? Une analyse complète reste à faire. Il apparaît cependant que l’électorat populaire ne s’est pas mobilisé pour cette initiative, contrairement à la votation pour la 13e rente.
La défense des retraites est au cœur des mobilisations syndicales, associatives et politiques, et cela, depuis 2017. La mobilisation a commencé contre Prévoyance vieillesse 2020. Malgré le revers subi, le Conseil fédéral a maintenu le cap mais a scindé ses attaques: augmentation de l’âge de la retraite des femmes avec AVS 21, baisse du taux de conversion avec LPP 21. Les syndicats ont non seulement combattu ces deux projets, mais aussi proposé de renforcer l’AVS avec une 13e rente. Cette proposition montrait la voie à suivre: renforcer le système par répartition.
Rien de tel avec l’assurance-maladie.
L’initiative pour le plafonnement des primes fut précédée d’une campagne de quelques semaines à peine. Celle-ci n’a pas pesé lourd face à la lame de fond idéologique. En effet, depuis plus de deux décennies, faire des efforts contre les «coûts de la santé» a été présenté comme le seul moyen de réduire les primes. Ces économies, les autorités fédérales les imposent aux seul-e-s assuré-e-s de base. La musique est tout autre pour les pharmas, les cliniques privées et certains spécialistes.
Le slogan des «coûts de la santé» charrie avec lui les habituelles solutions néolibérales. La recette est éculée. Elle est servie pour toutes les dépenses sociales et les assurances sociales. Guy Parmelin a même tenté un excursus dans le domaine de l’approvisionnement en électricité, lorsqu’il expliquait qu’il fallait mettre le couvercle sur les casseroles (littéralement), tandis que les canons à neige pouvaient continuer à fonctionner à Zermatt et Verbier.
Le front pro-EFAS est désormais organisé autour des assureurs, des pharmas et des faîtières de l’économie (economiesuisse). Cette alliance reflète ce qui se joue avec EFAS: la remise en cause de la logique d’assurance sociale censée protéger de manière universelle les assuré-e-s, au profit d’un mouvement différencié avec, d’un côté, une logique de dispensaire pour les assuré-e-s modestes, mais, de l’autre, des profits en hausse pour les «acteurs majeurs» du système (cliniques, pharma, spécialistes). EFAS est un pas vers le rationnement des soins pour celles et ceux qui n’ont que l’assurance de base.
En refusant le 9 juin l’initiative du Centre pour un frein aux coûts de la santé, les votant-e-s ont montré qu’elles et ils refusent ce rationnement. Le renoncement aux soins est certes déjà une réalité pour un quart de la population, tandis que presque 80% des assuré-e-s ont déjà dû abandonner le libre choix du médecin en «optant» pour une police d’assurance limitée dite modèle d’assurance alternatif (réseau de soins, médecin de famille, etc.). Cependant, une sortie est toujours possible. En cas de maladie grave, l’assuré-e peut encore changer de police l’année suivante. Dans la logique des soins intégrés contraints, dont EFAS est le préalable indispensable, cette possibilité disparaîtrait.
Le SSP a réalisé un acte historique en lançant et en faisant aboutir ce référendum. Nous avons permis de mettre en discussion le démantèlement du système de santé comme service public, pour la première fois depuis l’ouverture de l’assurance de base à la concurrence des cliniques privées et la mise en place des forfaits par cas dans les hôpitaux. La votation sur EFAS est un moment politique essentiel pour sauver ce qui peut encore l’être de l’assurance-maladie sociale et relancer une dynamique de reconquête afin de faire de la LAMal une véritable assurance sociale axée sur les besoins de la population et dont le financement serait solidaire!