Le salaire minimum remplit son objectif

09 May 2023

Le Temps du 28 avril fait écho aux directives d’application du salaire minimum genevois. Des communes et associations revendiquent le droit de faire engager des stagiaires en-dessous du minimum, dans le cadre de mesures d’insertion.

Le salaire minimum genevois assure une protection sociale à toutes et tous. Des exceptions sont toutefois prévues principalement pour les apprentissages ainsi que pour les stages de formation et d’insertion. Sont visés en particulier les mesures du chômage, de l’assurance-invalidité et de l’Hospice général (aide sociale). Concernant les stages – en  résumé – les personnes engagées ne doivent pas remplacer des employés ni délivrer des prestations. La sous-enchère institutionnalisée est prohibée. Ce principe doit être respecté aussi par les communes et les institutions sociales privées.

Le chômage n’a pas augmenté

Dans un contexte d’offensive patronale contre les droits sociaux, Le Temps profite de ce débat essentiellement technique pour lancer une salve contre le principe même du salaire minimum, dans un éditorial très politique. La revendication de certaines communes, portée par Anne Hiltpold (PLR), est décrite comme la démonstration des effets pervers du salaire minimum, sorte de plafond de verre des plus démunis, empêchant des milliers de personnes de sortir de l’assistance. Sont égrenés les arguments déjà servis lors de la campagne de votation de 2021 : il vaut mieux travailler pour 17 francs de l’heure que ne pas avoir d’emploi. Argument ultime : la motion de M. Ettlin (Centre) au Parlement fédéral, soutenue par M. Regazzi (Président de l’USAM), pour que les salaires des conventions collectives de travail nationales étendues et inférieurs aux minima cantonaux priment.

Tout ceci relève de la fiction. En deux ans, le salaire minimum a fait la preuve de son efficacité. Des milliers de salariés – sans doute près de 30’000 à Genève et 2’700 à Neuchâtel – ont vu leur situation s’améliorer substantiellement : pour Genève, 422 francs par mois (x13) dans l’hôtellerie-restauration, 345 (x13) dans le secteur du nettoyage et 1’022 (x12) dans la coiffure. Contrairement à ce que les employeurs avaient prétendu, le chômage n’a pas augmenté[1].

La loi n’entrave pas plus les mesures de réinsertion. Elle conditionne en revanche les stages en emploi à un véritable programme de formation et d’accompagnement. L’instauration du salaire minimum a donc aussi permis de supprimer les stages qui ne profitaient qu’aux employeurs et qui équivalaient dans les faits à un temps d’essai prolongé à bas prix.

L’importance du salaire minimum s’est encore accrue avec le développement des plateformes numériques de travail (UBER, SMOOD, etc.).

4000 francs, un minimum pour vivre à Genève

Substituer l’assistance sociale par des emplois précaires et mal payés n’apporte aucune dignité. Celle-ci consiste à pouvoir vivre de son travail et non pas de se le voir imposer pour un salaire de misère. Une expérience professionnelle rémunératrice est plus incitative que la perspective d’être toujours à la remorque d’un service social qu’il soit privé ou public. Les personnes « en décrochage » ont surtout besoin d’éprouver que le travail paye.

En acceptant le salaire minimum, la population a voulu que celui ou celle qui travaille à plein temps puisse pourvoir à ses besoins par ses seuls revenus. Il n’est pas trop de 4’000 francs par mois pour vivre à Genève. Les rares qui en doutent encore ne sont certainement pas concernés et peinent à se représenter ce que cela signifie.

Le débat sur le travail d’insertion doit se poursuivre, dans le respect de ces principes. Le dialogue entre les institutions sociales, publiques et privées, ainsi que les autorités chargées de la protection des travailleurs devra déterminer quels sont les stages pour lesquels il peut se justifier de ne pas exiger le respect du salaire minimum et les autres. Nul besoin pour insérer des jeunes en décrochage de sacrifier les milliers d’employés – peut-être leurs mères et pères – des secteurs de la restauration, du nettoyage, de l’économie domestique ou de la coiffure.

Christian Dandrès, Conseiller national

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Opinion parue le 3 mai 2023 dans LE TEMPS.

[1] HES, IREG, UNIGE, Analyse descriptive de données PLASTA et OCIRT-OCPM, 3 mai 2022