Loyers commerciaux: une aide concrète aux petits commerçants

29 Oct 2020

(Intervention prononcée au Conseil national le jeudi 29 octobre.)

Madame la Présidente,

Monsieur le Conseiller fédéral,

Mesdames et Messieurs,

Avec cinq mois de retard, les Chambres fédérales peuvent enfin voter cette mesure tant attendue par des milliers de petits et moyens commerçants contraints de fermer ce printemps. Ce fut cinq mois de manœuvres et d’arguties juridiques pour empêcher de venir en aide à ces locataires.

Dès le début du semi-confinement, les néo-libéraux du SECO et des affaires juridiques ont mis les pieds au mur et convaincu le Conseil fédéral qu’il ne fallait rien faire.

Le Conseil fédéral a interdit le versement de dividendes aux entreprises soutenues, interdit les rassemblements, notamment politiques, mais on ne touche pas aux intérêts des bailleurs. 

En Suisse, la rente foncière est une vache sacrée !

La fascination du Conseil fédéral sur cette question a surpris jusqu’à notre ancien collègue PLR Benoît Genecand, par ailleurs ancien président de la Chambre genevoise immobilière : « […] la Suisse souffre d’une forme de fétichisme de la propriété immobilière. Il s’agit d’un placement intouchable, quasiment sanctifié. »

On ne saurait mieux dire.

Ce qui relève en revanche pas de la mystique, c’est la détresse de ces locataires menacés dans leur existence économique.

Sans la mobilisation de l’ASLOCA et de Gastrosuisse, ce projet de loi n’aurait pas vu le jour. 

Le Conseil national a dû forcer la main d’un Département totalement inféodé aux milieux immobiliers. Forcer la main, c’est peu dire : même après l’adoption de la motion de la Commission de l’économie, en juin, l’opposition du Département sourd à chaque page du rapport. Le Message reprend tel quel le discours des bailleurs et, pire encore, tronque quand il le peut le mandat donné par le Parlement.

Mesdames et Messieurs,

Les bailleurs veulent rester seuls maîtres et rois et décider seuls quels locataires ont droits de rester et lesquels doivent quitter.

Les néo-libéraux du Département vont dans le même sens. Ils expliquent, presque satisfaits, que la crise va permettre de se débarrasser des entreprises non immédiatement et fortement rentables.

A les écouter, cette crise serait selon eux une sorte de purge salvatrice, et que laisser partir en faillite des PME permettrait d’assurer le retour à une économie florissante. Pour ces gens, seul le marché doit avoir droit de vie et de mort économique sur les petits commerçants et les indépendants.

Les Socialistes rejettent cette vision du monde.

Les indépendants et les petits commerçants ne sont pas des choses et ne peuvent pas être traités comme tels. Pour un petit commerçant, perdre le bail de son arcade, c’est détruire une vie de labeur et d’efforts.

Pour nous les Socialistes, c’est la dignité du travail qu’il faut protéger, au lieu de sanctifier l’accaparement de la rente foncière par quelques propriétaires éloignés des réalités sociales que notre pays traverse aujourd’hui.

Il faut donc venir en aide aux locataires, sans plus tarder, et éviter ainsi que la 2e vague du COVID fasse disparaître celles et ceux que la 1ère vague a épargnés.

Les représentants des milieux immobiliers qui se sont exprimé ont peint une image d’Epinal qui ne correspond pas à la réalité que l’on rencontre dans les permanences juridiques de l’ASLOCA.

Des bailleurs ont certes concédé des accords, mais ces accords visent surtout à les prémunir contre le risque de ne pas pouvoir relouer certains locaux. La survie économique de leurs locataires n’est pas leur priorité.

Ce projet de loi a donc tout son sens, même s’il est très minimaliste puisqu’il ne concerne pas tous les locataires commerciaux et aucunement les locataires d’habitations.

Le parlement doit répondre à la détresse de ces petits commerçants et leur apporter cette aide concrète qui lui permettra de ne pas sombrer en ce moment si délicat.

Pour paraphraser une magistrate de mon Parti, pour beaucoup de locataires, minuit a déjà sonné.