Le Parlement traite de la loi sur le CO2 qui prévoit la réduction des émissions, pour les bâtiments en Suisse, de 50% par rapport à 1990. Les propriétaires pourront bénéficier d’un soutien (programme Bâtiments), tandis que les locataires supporteront des charges supplémentaires, qui pourraient être en partie compensées par la baisse des dépenses d’énergies (chauffage et eau chaude).
Ce projet de loi pose la question de la répartition du coût de l’assainissement des immeubles bâtis alors que prévalaient d’autres normes de construction.
En principe, le loyer est censé couvrir l’entretien du logement, si bien que des travaux d’entretien ne justifient pas de hausse du loyer. Si le bailleur effectue des travaux qui dépassent l’entretien, il peut majorer le loyer.
En pratique, il est fréquent que les assainissements comprennent, outre des rénovations, des travaux d’entretien. C’est pourquoi, pour départager ce qui peut être répercuté sur le loyer ou pas, le Conseil fédéral a adopté l’article 14 de l’ordonnance d’application du droit du bail, qui pose la règle suivante : les frais d’importantes réparations sont considérés à raison de 50% à 70% comme des investissements créant des plus-values. Or, dans un rapport d’août 2019[1], la Confédération constate que le taux de report se situe plutôt entre 34% et 58% ! Le bailleur est en pratique doublement avantagé : d’une part, il fixe librement le loyer après travaux, ce qui dans les cantons à pénurie de logement fait flamber les loyers ; d’autre part, en cas de – trop rare – contestation par le locataire, le juge fixera le loyer selon l’OBLF, à un taux de report supérieur à la réalité. Certains cantons- la LDTR à Genève – ont des lois de protection qui atténuent les effets de ce système, avec un contrôle automatique de la hausse et un plafonnement temporaire du loyer.
L’incitatif prévu par l’OBLF ne tient pas compte de la réalité économique, et du fait que le bailleur est autorisé à répercuter intégralement le coût du combustible sur le locataire. Le propriétaire est ainsi poussé à entreprendre des travaux coûteux, mais aucunement à s’assurer que le résultat escompté avec ces travaux, soit la diminution de la consommation d’énergie, soit atteint[2]. Le bailleur peut en effet toujours répercuter l’intégralité des coûts du combustible consommé.
La période actuelle de rendements faibles voire négatifs des titres obligataires attire une grande masse d’argent sur le marché immobilier. Ceci explique la volonté des banques et des assurances d’acheter des immeubles ou de les rénover. Se pose dès lors la question de la réelle nécessité d’inciter aujourd’hui les bailleurs à rénover puisque les investissements se font sans cela. De même, autoriser des hausses de loyers pour des immeubles dont les loyers procurent déjà des rendements trop élevés signifierait ajouter de l’abus à l’abus.
Ceci étant, si le système actuel fonctionne au détriment des locataires, il est malgré tout un pis-aller face aux propositions qui fleurissent çà et là, comme permettre au bailleur d’augmenter le loyer après travaux sans répercuter l’éventuelle baisse due à la diminution du taux d’intérêt hypothécaire de référence.
(à paraître dans Droit au logement (DAL), le journal de l’ASLOCA romande)
[1] OFEN, OFL, « Investissements créant des plus-values et préservant la valeur lors d’importantes rénovations ».
[2] Ce qui n’est pas le cas en pratique : voir J. Khoury, Rénovation énergétique des bâtiments résidentiels collectifs: état des lieux, retours d’expérience et potentiels du parc genevois, 2014.