Depuis mars, le Conseil fédéral a multiplié les interventions dans de nombreux domaines, avec une priorité : soutenir les entreprises et la demande des ménages, par des cautionnements, des indemnités en cas de perte de gain (APG) et l’extension du chômage technique (RHT).
Le Conseil fédéral n’a en revanche pris aucune mesure décisive en matière de logement et de locaux commerciaux. Cette question est laissée pour l’essentiel à la discrétion des bailleurs. G. Parmelin s’est borné à inviter les « acteurs » du logement à trouver des solutions. Face à l’intransigeance des représentants des bailleurs, aucun accord national n’a en outre pu être conclu. Dans les cantons, des conventions tripartites (ASLOCA, milieux immobiliers, canton) ont en revanche été passées.
A l’heure où ces lignes sont rédigées, l’Assemblée fédérale débat de deux propositions qui se focalisent sur les commerces et entreprises visées par les interdictions du Conseil fédéral. Ne sont pas concernées les entreprises touchées par la crise, sans être contraintes de fermer par décision du Conseil fédéral.
A Genève, un accord tripartite étend la prise en charge du loyer pour tous les locaux commerciaux des petites entreprises et des indépendants, pour autant que le loyer ne dépasse pas CHF 3’500 (hors charges). Au-delà et jusqu’à CHF 10’000 la mesure est limitées aux locataires directement touchés par une interdiction d’exploiter. Cet accord va au-delà des solutions trouvées ailleurs en Suisse.
Officiellement, le Conseil fédéral justifie son inaction au motif qu’il n’entend pas intervenir dans des rapports de droit privé. Il considère que se loger relève de la stricte sphère privée.
Le fait que, en Suisse, le droit fondamental au logement soit concrétisé par des contrats principalement de droit privé, ne signifie pas que l’Etat ne doit pas garantir l’effectivité de ce droit. Avec la crise, les locataires sont particulièrement menacés, surtout là où sévit la pénurie. Les loyers très élevés représentent une charge trop importante pour les locataires. A la moindre perte de revenus, le bail est menacé. Or, les salariés au chômage technique perdent souvent 20% de leur revenu. L’employeur n’est pas tenu par la loi de couvrir l’intégralité du salaire en pareilles circonstances.
A Genève, l’ASLOCA a interpellé à plusieurs reprises le Conseil d’Etat pour éviter que les locataires de logements soient pris à la gorge, sans succès à ce jour.
Reste la possibilité pour les locataires qui ne peuvent plus de s’acquitter de leurs loyers d’agir en justice ; mais le cadre juridique est incertain. Un avis de droit de l’ASLOCA montre que, dans cette situation exceptionnelle, les locataires de logements peuvent demander aux juges de revoir le montant du loyer. Cette approche est cependant contestée par les bailleurs. Une certaine insécurité subsiste donc, en l’absence de jurisprudence rendue dans le cadre de cette crise.
L’extension du parc de logements abordables et sans but lucratif est plus que jamais nécessaire. Si l’expérience récente – le rejet de l’initiative de l’ASLOCA le 9 février – a montré qu’il était difficile d’obtenir une majorité du peuple et des cantons en faveur d’une initiative améliorant la protection des locataires, une marge de manœuvre existe dans certains cantons. Il faudra s’en saisir, dès que la pandémie le permettra.
(article paru le 8 mai 2020 dans Services publics, le journal du SSP-VPOD)