Danger sur les crèches !

08 Jun 2020

Dans le cadre de la Loi sur les épidémies, le Conseil fédéral a adopté plusieurs trains d’ordonnances. Celle-ci instaurent d’une part des mesures de contraintes pour endiguer la pandémie. De l’autre, elles introduisent des mesures de soutiens pour certains secteurs économiques. L’objectif de la Confédération est le maintien des revenus, par le chômage partiel et les allocations pour perte de gain, ainsi que le maintien des liquidités des entreprises, par l’octroi de prêts facilités avec la caution de l’Etat.

Ces mesures sont insuffisantes et placent les travailleurs-euses précaires dans la détresse financière. Celles et ceux qui ne parvenaient déjà pas à couvrir leur budget se retrouvent, à la suite de la crise, dans une situation inextricable.

Le Parlement fédéral a accepté toutes les propositions du Conseil fédéral et rejeté l’essentiel des demandes destinées à améliorer le sort des personnes précaires, à une exception près: une majorité s’est dégagée pour soutenir l’accueil extrafamilial des enfants. Le Conseil national avait voté un crédit de 100 millions de francs. Ce dernier a été réduit à 65 millions par le Conseil des Etats, le jour-même où l’Assemblée fédérale votait une caution de 1,2 milliard de francs pour deux compagnies aériennes.

La crise n’a manifestement pas révolutionné les priorités de la droite.

Le Conseil fédéral a adopté, il y a quelques jours, une ordonnance qui concrétise la volonté du Parlement et le soutien de la Confédération pour l’accueil extrafamilial. Cette ordonnance est cependant trop restrictive et risque de manquer la cible.

En bref, cette ordonnance instaure une obligation de rembourser les parents qui n’ont pas pu placer leurs enfants en raison du semi-confinement. Le manque à gagner pour les crèches est payé par la Confédération, les cantons et les communes.

Cette mesure n’éloigne cependant pas les nuages qui s’accumulent au-dessus de l’accueil extrafamilial. Depuis le 11 mai, les crèches ont réouvert. Mais elles ne sont cependant pas hors de danger. La crise économique et financière va durement impacter les revenus de certaines familles ainsi que les budgets des collectivités. Les cantons et les communes doivent répondre à une forte demande sociale, tout en assumant des baisses d’impôts de plusieurs centaines de millions de francs pour les entreprises, à la suite de la dernière révision fiscale (RFFA). Les crèches vont être soumises à de rudes contraintes. Il existe un risque réel que la qualité de l’accueil en pâtisse et que les prix augmentent.

Les crèches doivent pouvoir offrir un encadrement et une prise en charge pédagogique de qualité. Les premières années de vie d’un enfant sont essentielles. Les garderies doivent donc être en mesure de garantir l’épanouissement des enfants, de susciter et de nourrir leur curiosité. En offrant une prise en charge de qualité pour tous les enfants, quel que soit le revenu des parents, elles agissent aussi comme un instrument de justice sociale.

Il faut ainsi que les places d’accueil soient accessibles à tous les parents. Or, la crise risque d’être suivie par une diminution des subventions et des rentrées financières pour les crèches qui, si elles veulent garantir la qualité de l’accueil, devront augmenter leurs tarifs. Ceci pourrait amener des familles à renoncer à placer leurs enfants et à les garder à domicile, pour des raisons financières. Il est vraisemblable que des mères abandonneront leur travail, souvent moins bien rémunéré, pour garder les enfants.

Il faut éviter que trois décennies d’efforts pour l’égalité entre femmes et hommes ainsi que pour les droits de l’enfants et la justice sociale soient annihilées par les conséquences de la pandémie !

(article paru dans le journal du SSP-VPOD, Service public, du 5 juin 2020)