Oui à la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac

18 Mar 2021

Intervention parlementaire lors du débat du 17 mars 2021. initiative populaire “Oui à la protection des enfants et des jeunes contre la publicité pour le tabac (enfants et jeunes sans publicité pour le tabac).”

Accepter cette initiative serait un pas en avant fondamental pour lutter contre le tabagisme et pour protéger la santé de la population.
Cette initiative cible le coeur de la stratégie des cigarettiers destinée à s’assurer le renouvellement de leur clientèle en gagnant de nouveaux fumeurs. La dépendance au tabac est d’autant plus forte si l’on commence en effet à fumer dès l’adolescence. Cette dépendance vous colle ensuite à la peau pour le restant de vos jours.
Cela a été dit plusieurs fois, plus de la moitié des fumeurs ont commencé à fumer avant 18 ans. A contrario, il est rare que des fumeurs aient débuté leur vie de fumeur après 24 ans. L’industrie du tabac cherche donc d’abord à attirer les jeunes, pour que cette clientèle puisse combler les pertes liées aux fumeurs qui décèdent ou qui cessent de fumer.
La publicité est un instrument central dans cette stratégie, une publicité qui cherche à influencer la manière dont les jeunes perçoivent la consommation de tabac. La publicité joue sur l’image du produit et les affects. Elle détermine, pour une part non négligeable, les habitudes des consommateurs. C’est la raison pour laquelle cette industrie dépense des sommes colossales au niveau international. Ce n’est pas par philanthropie qu’elle le fait, mais bien parce qu’elle gagne à influencer ces personnes.
La publicité contribue à rendre le tabac acceptable socialement et amène les jeunes à le considérer comme un bien de consommation comme un autre et non pas pour ce qu’il est vraiment, soit une substance addictive hautement toxique et cancérigène. C’est d’autant plus vrai – et cela a été dit par mon collègue Fridez – que les jeunes n’ont pas conscience du danger de mort prématurée et des maladies graves qui les menacent avec le tabagisme.
C’est le lieu de rappeler que la population suisse paie un très lourd tribut à l’industrie du tabac et à ses actionnaires. Il y a 2 millions de fumeurs dans notre pays et près de 10 000 personnes décèdent prématurément chaque année à cause du tabac. Face à cette hécatombe, la mesure proposée par cette initiative apparaît pour le moins modeste.
Malgré cela, l’industrie du tabac et les annonceurs combattent l’initiative en invoquant les droits fondamentaux – c’est presque risible – et le principe de la proportionnalité. Sous l’angle de la proportionnalité et de l’intérêt public, le tabac n’a évidemment aucune vertu thérapeutique. Il rend malade, il tue et il n’est pas possible de le consommer avec modération sans risques, comme cela peut être le cas notamment pour le vin. L’intérêt public à la protection de la vie et de la santé de la population ne doit pas céder le pas face aux exigences de rendement et de bénéfice de ces firmes qui cherchent à accroître la part de la population “addict”.
Les conséquences de l’activité de l’industrie du tabac coûtent plus que celle-ci ne rapporte à la collectivité suisse, si l’on doit aborder la question purement mercantile. Il y a également la question de la souffrance générée par la mort et la maladie, non seulement pour les personnes qui en sont victimes, mais aussi pour leurs proches.
Cela a aussi été dit au cours du débat, des coûts de plusieurs milliards de francs sont liés aux traitements médicamenteux, coûts auxquels s’ajoutent encore d’autres frais liés aux absences pour maladie.
La proportionnalité plaide pour une mise en place de toutes les mesures de prévention préconisées par l’Organisation mondiale de la santé afin de réduire drastiquement le nombre de fumeurs.
J’aimerais revenir aussi sur un argumentaire hautement cynique d’Economiesuisse, qui nous a été envoyé très récemment – soit hier – par e-mail et qui dépasse cette fois-ci toutes les limites de décence puisqu’il y est avancé que l’interdiction nuirait aux efforts de la Confédération et des cantons en matière de santé publique. Selon ces tartuffes – on peut les appeler ainsi -, cette interdiction pourrait empêcher la population “addict” de passer à un produit moins nocif et moins addictif puisqu’il n’y aurait pas de publicité pour le faire connaître et attirer les gens vers sa consommation.
La seule chose réjouissante, c’est qu’on nous sert des arguments de ce cru. On nous dit, par exemple, que, comme la Suisse n’a pas signé avec d’autres Etats où les cigarettiers auraient leur siège des traités de promotion et de protection des investissements, on évite ce que les cigarettiers ont imposé à des pays comme l’Uruguay, à savoir des procès interminables durant dix ans, avec des risques énormes lorsque ce pays, le premier en Amérique latine, où le taux de tabagisme est très élevé, a décidé de prendre des mesures, en accord avec l’OMS.
Ces exemples illustrent assez bien quelles sont les pratiques et les objectifs de l’industrie du tabac, qui est une réalité évidemment beaucoup plus triviale que celle qu’elle essaye de mettre en avant dans le cadre de ce débat, à savoir prétendument la défense de la liberté, de la démocratie, et grâce aux arguments d’Economiesuisse désormais, la défense de la santé publique.
La Suisse a beaucoup de retard dans sa politique contre le tabagisme. Cela peut s’expliquer par le poids des cigarettiers dans notre pays. La Suisse donc doit absolument se mettre à jour et adopter ces mesures, qui ont été mises en oeuvre avec beaucoup de succès dans d’autres pays comme par exemple en France. On a vu que l’ensemble de ces mesures, y compris l’interdiction de la publicité, a fait baisser le taux de tabagisme de 4 à 10 pour cent.
Cette initiative nous donne l’occasion de faire ce pas. Il faut donc évidemment recommander de l’accepter.