Logement: garder la vision d’ensemble

14 Sep 2021

La Tribune lance un débat sur le taux d’occupation des logements pour « une meilleure adéquation dans l’utilisation des surfaces ». Si elle affirme que « chacun est libre de s’offrir les mètres carrés qu’il souhaite (dans la mesure de ses moyens) », elle semble vouloir exclure le logement social de cette mansuétude.

Pourtant, répondre au besoin de tous les locataires – pas seulement ceux pouvant payer cher – doit être au cœur de la réponse politique à la pénurie. Toute logique oblitérant une vision d’ensemble doit être bannie. Il faut considérer les besoins des habitants face aux aléas de la vie : celui des jeunes adultes, d’un logement indépendant ; celui des couples séparés, paupérisés de ce fait, de pouvoir bénéficier d’appartements adaptés pour exercer leur droit de visite – dans l’intérêt des enfants et plus largement de la société dont ils sont l’avenir ; celui des aînés de ne pas être acculés à quitter l’environnement dans lequel ils vivent depuis toujours – avec la perte de repères que cela entraîne-, qui accueillent au demeurant souvent leurs petits-enfants au profit de toute la société, puisque cela permet aux jeunes parents de travailler.

Ce qui ne signifie pas qu’il ne faille pas favoriser les rocades. Il faut à cet effet lever les entraves à la mobilité des locataires. En instaurant un droit au transfert du bail pour les habitations (qui existe déjà pour les locaux commerciaux), qui a ce double avantage d’éviter le copinage des régies dans l’attribution des logements et de lever l’obstacle consacré par le loyer abusif imposé au changement de locataire. Il y a 10 ans l’ASLOCA – par la voix de C. Sommaruga – avait proposé en vain de favoriser ces permutations d’appartements. Je reprendrai cette proposition en septembre au Conseil national en l’adaptant pour cibler les logements propriété de bailleurs institutionnels (fonds d’investissement, banques et assurances) et en visant les échanges qui améliorent le taux d’occupation.

La Tribune juge que le risque de ne pas avoir de majorité politique pour améliorer la situation dans le privé justifie de cibler le secteur public. Elle stigmatise le fruit des mobilisations des locataires de la Ville de Genève (GIM), qui ont obtenu qu’après vingt ans de bail le locataire soit mieux protégé. Cette mesure a été prise en réaction à des congés donnés sans égard pour l’âge, la durée du bail et l’impossibilité de déménager des personnes visées, la plupart peu fortunées, ce qui a généré des souffrances chez les concernés, souvent des aînés. L’ASLOCA a soutenu les locataires organisés en association (ALGIM) pour que cessent ces pratiques et que le respect des taux d’occupation ne passe pas par la menace d’une expulsion. D’autres méthodes doivent être mises en place, et les rocades favorisées par le dialogue, des propositions de relogement qui tiennent compte des besoins des locataires, un accompagnement des personnes fragiles et des incitations douces comme des aides au déménagement.

Enfin, il relève d’une certaine myopie de se montrer intraitable avec les locataires de logements sociaux, tout en ignorant que plus de la moitié des bâtiments construits en 2020 étaient des villas, inaccessibles à la majorité des Genevois et consommant bien plus de surface constructible que le locataire âgé vivant seul dans un appartement de 75 m2.

Les fondements de la politique du logement, social ou non, doivent être les besoins de la population, l’équité sociale et la dignité des locataires. C’est le combat de l’ASLOCA.

(Opinion parue le 31 août 2021 dans la Tribune de Genève.)