Lors des travaux sur le code de procédure civile, la commission a fait en quelque sorte le bilan des dix ans d’existence de ce régime juridique et a abordé à peu près toutes les thématiques qui y sont traitées et qui sont fort vastes. Parmi ces thématiques figure le contentieux de la famille, qui n’a pas pu être traité entièrement.
La commission a donc voulu revenir sur certains dossiers, dont celui-ci, en posant quelques lignes directrices à l’administration fédérale pour qu’elle puisse aller de l’avant dans la résolution d’un certain nombre de problèmes qui ont fait l’objet de constats largement partagés. C’est notamment le cas du contentieux dans le droit de la famille, qui a été jugé de manière très large comme insatisfaisant.
Le contexte, vous le connaissez: l’impact de ces procédures sur la population est immense. Il y a les enjeux liés au conjoint, mais aussi et surtout aux enfants. Il est fondamental de pouvoir partir de ces constats, d’un travail de terrain, pour proposer des solutions à un certain nombre de défaillances qui découlent, pour bonne part, du code de procédure civile fédéral. Il y a notamment le chevauchement des compétences entre les autorités de protection de l’enfant et le juge civil. Il y a également l’absence de véritable instance de conciliation préalable au litige sur le fond.
Ces failles se sont révélées très problématiques avec la fin du modèle familial traditionnel. L’organisation judiciaire et la procédure n’ont pas été pensées pour ce cadre qui est aujourd’hui très fréquent. La situation est particulièrement difficile lorsque le budget des familles recomposées repose sur un revenu principal. Il y a alors un risque de procédure en cascade, dû à un principe fondamental qui a été posé par le Tribunal fédéral: il faut donner la priorité à l’enfant mineur pour la pension alimentaire. Et si l’on donne à l’enfant mineur, il faut prendre ailleurs. On peut ainsi ouvrir des contentieux qui peuvent durer des années et peuvent se révéler très coûteux.
Du fait qu’il y a deux instances compétentes, il existe aussi un risque que des décisions contradictoires ou incohérentes soient rendues et qu’elles aient un impact principalement sur la situation des enfants.
Les objectifs de la proposition sont au nombre de trois.
Premièrement, sortir de la dynamique de confrontation qui est inhérente à la procédure civile, où deux parties s’affrontent. Cet affrontement peut marquer et pourrir des situations. L’enfant peut se retrouver balloté voire pris en otage, ou alors jouer un rôle d’arbitre qui ne devrait pas être le sien.
Deuxièmement, trouver des accords au plus près des besoins des familles. Puisque les parents sont condamnés à s’entendre, surtout lorsqu’il y a des enfants mineurs, il faut prévoir des solutions qui puissent être durables.
Troisièmement, intégrer lorsque cela s’impose les intérêts de tiers à la procédure. La logique de la procédure civile est d’avoir deux personnes qui s’opposent, mais la solution peut parfois découler de l’intégration d’une troisième personne, notamment lorsqu’il s’agit de familles recomposées.
Ce que propose le postulat est assez simple: il s’agit de s’inspirer des pratiques des autorités de conciliation paritaires qui existent dans le domaine du bail et dans le domaine du travail et qui aboutissent à d’excellents résultats. En effet, plus de la moitié des affaires font l’objet d’accord.
Très concrètement, il faut faire quatre choses:
1. Instituer une autorité de conciliation pour tous les litiges relevant du droit de la famille – un tronc commun à l’autorité de protection de l’enfant et au juge civil.
2. La conciliation doit se faire par des personnes qui disposent de compétences particulières. Il faut une composition interdisciplinaire de l’autorité de conciliation; c’est ce qui existe déjà en Allemagne ou en Belgique et qui a fait ses preuves. Il faut des médiateurs, des spécialistes en droit famille, et également des personnes qui sont capables de gérer les conflits familiaux d’un point de vue psychologique.
3. Il faut donner à la conciliation les pouvoirs les plus étendus pour trouver des solutions, y compris, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, en incluant des personnes tierces.
4. Il faut regrouper au sein d’un seul et même tribunal de la famille, les compétences qui sont aujourd’hui éclatées entre le juge civil et l’autorité de protection de l’enfant.
Quelle est la voie à suivre? Comment y parvenir? Que propose le postulat? Il faut associer les cantons et tenir compte de leurs pratiques, puisqu’il existe des projets pilotes, notamment dans le canton du Valais, qui se fondent sur les meilleures pratiques d’autres pays comme la Belgique et l’Allemagne. Comme il y a aussi une composante d’organisation judiciaire, il faut respecter l’autonomie des cantons en les associant à ce travail et en leur permettant aussi de partager le bilan de ces projets pilotes.
Ce postulat complète d’autres interventions parlementaires qui ont été déposées précédemment. En 2018, il y a eu celles de notre collègue Müller-Altermatt et de notre collègue Schwander, mais elles étaient plus ciblées sur les conflits concernant les enfants, donc en lien avec l’autorité parentale et la garde.
Ce postulat propose un cap à l’administration en lui demandant de travailler sur les aspects que j’ai décrits tout à l’heure et, si possible, dans un délai raisonnable parce que ce sujet est régulièrement sur la table depuis plusieurs années. Avec le temps qui passe, ce sont autant de familles qui sont broyées parfois par l’appareil judiciaire. Il faut donc pouvoir rapidement trouver des solutions.
La commission a adopté le postulat par 16 voix contre 7. Il y a une minorité Addor qui repose principalement sur le respect du fédéralisme. M. Addor s’exprimera plus longuement et mieux que moi sur cette thématique.