Situation au Sri-Lanka et personnes déboutées de l’asile

15 Aug 2022

Echanges de mails au sujet de la situation au Sri-Lanka et personnes déboutées de l’asile.

Premier message adressé à la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter, chargée du Département fédéral de justice et police (DFJP). 

 

18 juillet | Christian Dandrès, conseiller national, écrit: 

Madame la Conseillère fédérale,

Chère Madame,

La situation que connaît le Sri-Lanka m’amène à vous adresser ces quelques lignes.

Je m’interroge sur les conséquences de l’effondrement de ce pays pour les personnes déboutées de l’asile, en particulier pour les migrant-e-s ayant besoin d’un suivi médical.

Le Secrétariat d’État aux migrations semble aujourd’hui considérer que les hôpitaux du Sri-Lanka seraient en mesure d’assurer une prise en charge ambulatoire et/ou psychiatrique de personnes atteintes dans leur santé.

Cette appréciation interpelle vu la gravissime crise économique, sociale et politique que traverse ce pays. Le système de santé semble aujourd’hui incapable d’offrir des soins adéquats aux patient-e-s résident-e-s.

Il apparaît en effet que les médicaments et les fournitures médicales sont introuvables. Pour les urgences vitales, le Sri-Lanka doit recourir à l’aide de l’Inde ou à des donations.

On peine dès lors à saisir comment ce système aurait la capacité de prendre en charge des migrant-e-s débouté-e-s de l’asile.

Pourriez-vous m’éclairer sur les éléments qui permettent au SEM de fonder une telle appréciation ?

D’une manière générale et vu la rapide dégradation de la situation au Sri-Lanka, le Conseil fédéral envisage-t-il de suspendre les renvois, à tout le moins s’agissant de personnes malades ?

Madame la Secrétaire d’Etat Schraner Burgener me lit en copie.

En vous remerciant de la suite que vous donnerez à ce message, je vous prie de croire en l’assurance de ma haute considération.

Christian Dandrès (CN/GE)

 

21 juillet | Barbara Büschi, directrice du Secrétariat d’Etat aux Migrations, répond:

Monsieur le Conseiller national,

Votre message du 18 juillet a retenu toute mon attention, et je vous en remercie. J’y réponds à la demande de la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter.

Le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) suit de près l’évolution de la situation au Sri Lanka. Nos collaborateurs et nos collaboratrices sont en contact régulier avec leurs interlocuteurs et leurs interlocutrices sur place, notamment aussi avec le personnel de l’Ambassade de Suisse à Colombo.

La crise aiguë a commencé à peser sur le système de santé, pourtant considéré comme bien organisé et solide jusqu’à l’année dernière, et l’a contraint à rationner les soins. Toutefois, l’accès aux soins de premier recours et d’urgence reste garanti aux patientes et aux patients grâce à l’engagement d’un personnel de santé bien formé et au soutien financier de bailleurs internationaux. Malgré la crise aucune fermeture d’hôpital n’a été signalée à ce jour. En raison de la pénurie de médicaments et de consommables, des hôpitaux se sont vus contraints de réduire le nombre d’admissions ou de reporter des interventions non urgentes.

Quant aux hôpitaux psychiatriques, les soins tant stationnaires qu’ambulatoires sont opérationnels.

En juin, selon une liste établie par le Ministère de la santé, les stocks d’environ la moitié des médicaments étaient encore suffisants pour deux mois. En juin, l’OMS a pu combler les besoins urgents à court terme grâce aux dons. D’autres dons de l’Inde et de la Banque asiatique de développement (BAD) devraient couvrir les besoins prioritaires à moyen terme, selon l’OMS. Des donateurs privés ont déjà aidé plusieurs hôpitaux à acheter des médicaments et des fournitures de première nécessité.

Après tout, le SEM est bien conscient de la situation politique incertaine et de la précarité en matière d’approvisionnement au Sri Lanka. Cette évaluation est prise en compte dans la pratique d’asile et de renvoi. Chaque demande d’asile est examinée individuellement et appréciée en tenant compte des conditions réelles sur place. Les personnes menacées dans leur vie ou leur intégrité corporelle sont mises au bénéfice de l’asile. En présence de nouvelles demandes (procédures en première instance, demandes multiples ou de réexamen), le SEM tient compte de la situation actuelle et examine soigneusement les éventuels obstacles à l’exécution du renvoi. S’il s’avère, par exemple, que des médicaments vitaux ne sont actuellement pas disponibles, le SEM reporte sa décision. Les procédures déjà closes ne donnent pas lieu à une réévaluation d’office mais les personnes dont le renvoi est entré en force peuvent en tout temps déposer une demande subséquente.

Dans l’espoir que ces quelques éléments d’information sauront répondre à vos interrogations, je vous prie d’agréer, Monsieur le Conseiller national, l’expression de ma considération distinguée.

Barbara Büschi

Directrice suppléante

 

8 août | Réaction de Christian Dandrès dans un article de La Liberté:

«Le pays fait face à une inflation de 128% et près de 25% de sa population dépend déjà de l’aide humanitaire. Imaginer que des personnes qui arriveraient de Suisse avec des problèmes psychologiques graves seraient prises en charge de manière adéquate relève tout simplement de la fiction. Dans certains hôpitaux, les pénuries de médicaments sont telles qu’ils n’ont même plus de paracétamol !»

https://www.laliberte.ch/news/suisse/renvois-au-sri-lanka-critiques-655819?up=true

 

Photo: Manifestation contre le gouvernement du Sri-Lanka en avril 2022. Crédit: AntonO