Mme Nathalie Fontanet défend un projet de modification du statut des employé.es de l’État et du service public (voir «Tribune de Genève» du 30 août). Voici les principaux axes: autoriser le Conseil d’État à passer des conventions de départ, supprimer l’enquête obligatoire en cas de faute grave, et, surtout, rendre définitif le licenciement même si la Cour de justice l’estime infondé.
En 2015, j’avais proposé avec succès au Grand Conseil la réintégration en cas de licenciement non-fondé. Depuis lors, peu de cas ont donné lieu à réintégration. Il s’agissait à chaque fois de dossiers mettant en cause l’action de magistrats et/ou de leurs états-majors. Je pense en particulier à l’Office des poursuites (OP). Les dysfonctionnements ont été relevés par la Cour des comptes et le contrôle parlementaire. La hiérarchie a tout fait pour les étouffer. Elle est allée jusqu’à congédier la personne chargée du contrôle interne, au moment même où elle collaborait avec les parlementaires chargé.es d’enquêter.
La réintégration a donc atteint son but. Dans leur intérêt comme celui de la population, les agent.es de l’État et du service public doivent pouvoir faire leur travail même contre leur hiérarchie, si cette dernière leur ordonne d’agir de manière illégale ou contraire aux règles. Les états-majors des départements peuvent vouloir protéger le magistrat ou des usager.ères ayant le bras long, ou encore libérer un poste promis à quelqu’un.e du sérail.
En réalité, la contre-réforme de Mme Fontanet permettra de maintenir opaques des affaires que les magistrat.es veulent conserver ainsi ou, au contraire, de lancer des enquêtes administratives sur les dossiers que l’on veut médiatiser à des fins politiques. Et dans tous les cas, un.e magistrat.e pourrait toujours étouffer une affaire en payant pour éviter un procès gênant, avec une convention de départ.
Ce qui dérange aussi Mme Fontanet et son état-major, c’est que la loi actuelle exige que le dossier de licenciement soit bien instruit. La personne mise en cause doit donner sa version des faits. Cette transparence peut déplaire. Si le magistrat doit statuer sur la base de faits établis de manière contradictoire, c’est difficile de plaider ensuite l’ignorance d’un problème. Mme Fontanet avait tout en mains lorsqu’elle a licencié la contrôleuse de l’OP.
La procédure permet aussi aumagistrat de savoir ce qui se passe dans son département. Un licenciement est rarement anodin et peut refléter une organisation inadéquate, des conditions de travail problématiques, un management toxique, un système de recrutement défaillant. Dans l’affaire du foyer de Mancy, ces procédures n’ont semble-t-il pas été mises en œuvre, comme l’indique une employée dans le journal «Le Temps». Si elles l’avaient été, les maltraitances infligées aux enfants n’auraient peut-être pas duré. Le minimum de formalisme, de transparence et de protection prévus dans la loi actuelle sert donc les intérêts de toute la population. Au lieu de chercher à démanteler la loi, le Conseil d’État ferait mieux de l’appliquer.
Article publié le 6 septembre dans la Tribune de Genève (rubrique L’invité).