La crise profite aux bailleurs

13 Jun 2023

Le nombre de logements disponibles à la location ou à l’achat a diminué à Genève de 0,51% à 0,37% en un an (taux de vacance), malgré le record de logements construits. Il atteint son niveau le plus bas depuis 2013. Les bailleurs vont en profiter pour augmenter encore la pression sur les locataires. Toutes les catégories de la population sont concernées, même si les conséquences ne sont pas les mêmes selon le revenu et le statut de séjour.

Le loyer est le premier poste des dépenses des ménages. Il représente environ 20% du revenu brut, 25% pour les ménages dont le salaire se situe entre 4000 et 6000 francs par mois. Pour les classes populaires, ce pourcentage est nettement plus élevé: 12,8% de la population consacre 40% de son budget à se loger. Pour le 38% des ménages à faibles revenus, il dépasse même ce pourcentage.

La spirale à la hausse des loyers est la conséquence du poids que les milieux immobiliers font peser sur la politique fédérale et sur les locataires, surtout lors de la conclusion du bail où ont lieu les plus fortes majorations de loyer.

Une étude Raiffeisen chiffre cet écart entre anciens et nouveaux loyers: «la nette hausse des loyers proposés et effectifs a creusé l’écart avec les loyers existants au fil du temps. Malgré le fort rapprochement, ces dernières années, l’écart demeure sensible. Pour le logement de référence […] (4 pièces, 100 m2, construit en 2011, le loyer proposé est d’environ 300 francs plus cher que le loyer existant. En 2015, cette différence s’élevait à près de 600 francs.»

Pour empêcher les locataires de contester ces hausses, des bailleurs ont trouvé des parades, comme la conclusion de baux à durée déterminée ou le recours aux chasseurs d’appartements.

Ces dernier·ères imposent des contrats illicites interdisant de consulter l’Asloca ou de faire valoir ses droits. Elles et ils servent en réalité les intérêts des bailleurs en sélectionnant les «bons» locataires et en évitant les risques de procédures. Peu de locataires contestent ainsi leurs loyers initiaux. En 2021, sur 25 331 affaires de bail réglées, 1259 concernaient une telle contestation.

Augmenter le nombre de logements est nécessaire pour répondre au besoin de la population, mais ce n’est pas suffisant. Des mesures techniquement simples existent pour desserrer l’étau, comme par exemple étendre le système de contrôle des loyers, qui existe déjà dans la LDTR à Genève et la LPPPL dans le canton de Vaud, à tous les nouveaux baux en période de pénurie. Plus simple encore: instaurer un droit du locataire à transférer le bail de son appartement, comme il en va déjà pour les locaux commerciaux.

La plupart des logements loués dans le bassin lémanique sont destinés au rendement. Peu importe donc aux propriétaires qui verse le loyer, pour autant que les garanties financières soient les mêmes. Cette mesure éviterait de fortes hausses de loyer au changement de locataire.

Ces propositions sont sans surprise combattues par les majorités politiques dans les parlements cantonaux et fédéraux. La solution à la crise du logement ne peut donc pas reposer exclusivement sur un changement de politique économique ou en tenant les salarié·es des multinationales comme responsables de la crise. Des mesures doivent être prises pour limiter les profits abusifs que les bailleurs imposent à toute la population.

Christian Dandrès est conseiller national et juriste à l’Asloca. L’auteur s’exprime ici à titre personnel.

Chronique parue dans Le Courrier.