Le budget des ménages est mis à rude épreuve. Les prix des énergies fossiles, de l’électricité et bientôt des primes d’assurance-maladie augmentent. Pour les locataires s’ajoutent encore les frais de chauffage et d’eau chaude et une très probable flambée des loyers1. Le taux de vacance des logements a chuté tout particulièrement à Genève (-26,1%), dans le canton de Vaud (-17%) et à Zurich (-15,5%). A cela s’ajoute la forte augmentation du coût de la vie, mesurée par l’indice des prix à la consommation (ISPC), qui constitue également un motif de majoration de loyer. Contrairement à la plupart des salarié·es et des retraité·es à l’AVS, les bailleurs peuvent en effet indexer tout ou partie des loyers pour ne pas voir leur patrimoine se dévaluer.
Si les loyers augmentent, tel n’est pas le cas des salaires. Entre 1993 et 2020, ils n’ont augmenté en moyenne que de 0,6%, en déduisant l’inflation, contre 1,2% pour la productivité du travail – c’est-à-dire l’augmentation de la richesse produite. Le salaire réel (ajusté pour tenir compte de son pouvoir d’achat effectif) a même diminué dans la plupart des secteurs économiques ces dernières années.
Pour faire face à cette situation catastrophique, le Conseil fédéral insiste sur les économies d’énergie. Malgré les interventions de l’Asloca, il considère qu’aucune aide ne se justifie. Des solutions existent pourtant à plusieurs niveaux et feront l’objet de propositions au parlement fédéral ainsi qu’à Genève notamment.
La marge abusive que des bailleurs font payer à leurs locataires doit être mise à contribution. Ainsi, il s’agirait de plafonner le montant des frais accessoires supportés par les locataires et faire payer le reste aux bailleurs. Cette solution éviterait qu’un·e locataire contraint·e de supporter un loyer abusif doive de plus assumer une explosion des frais de chauffage et d’eau chaude.
Concernant les frais d’électricité, l’Asloca Genève refuse que la majoration, aujourd’hui estimée à 22%, soit répercutée sur les ménages. Un projet de loi sera déposé cette semaine au Grand Conseil. Il prévoit la constitution d’un fonds pour prendre en charge cette hausse et celles futures – au moins en partie, selon l’évolution de la situation – doté par un emprunt levé par les SIG (Services industriels genevois) ou un prêt de l’Etat. Ce prêt serait amorti par les bénéfices actuels et futurs des SIG, en laissant toutefois à ces derniers une marge suffisante pour réaliser les amortissements des installations existantes et investir pour augmenter la capacité de production d’électricité indigène.
Une proposition sera faite à Berne pour que les locataires aient leur mot à dire, notamment sur la manière dont sont produits le chauffage et l’eau chaude dans leurs immeubles. Le Conseil fédéral invite à réduire la température dans les immeubles, sans même évoquer le fait qu’il conviendrait que les locataires puissent être consulté·es. Les locataires qui vivent dans un immeuble sont les plus à même de juger de la situation. Ce sont par ailleurs elles et eux qui supportent tant les baisses de température que les frais de chauffage. Cette proposition vise à constituer une assemblée des locataires dans les immeubles locatifs d’une certaine taille, sur le modèle de celle des copropriétaires d’une PPE. Cette assemblée aurait une compétence de consultation sur les choix du bailleur en matière énergétique (travaux de rénovation, modification de l’installation de production de chaleur, etc.) et de codécision notamment sur l’établissement des frais accessoires et le système de répartition entre les appartements.
En parallèle, il faut protéger les locataires contre les résiliations des baux en cas de travaux dans l’immeuble ou les appartements. A cette fin, une autre proposition sera faite au parlement fédéral pour que les baux ne soient pas résiliés sans motif impérieux et que, si le départ du ou de la locataire s’impose pour certains travaux, le congé puisse être annulé si le ou la locataire libère le logement pour la période durant laquelle son départ s’impose.
La crise appelle plus de droits pour les locataires, car après un congé, retrouver un logement et difficile et n’est souvent possible qu’en payant beaucoup plus cher.
Christian Dandrès est conseiller national et juriste à l’Asloca. Il s’exprime ici à titre personnel.
Chronique parue dans Le Courrier.