Le Conseil fédéral poursuit ses discussions avec l’Union européenne (UE). En Suisse, le débat est un mauvais vaudeville. Le même scénario est rejoué depuis vingt ans et passe à côté des besoins sociaux de la population, soit vivre dignement de son travail, ne pas s’y user prématurément, se loger à des loyers abordables.
Les salariés sont mis sous pression. Le chômage persistant et la libre circulation pèsent parce que la protection des travailleurs est quasi inexistante dans les faits. Celle des locataires est attaquée à tous les niveaux.
Les salariés qui s’installent en Suisse ne sont pas le problème. Ils ne créent pas le dumping ou les hausses de loyer. Les employeurs et les bailleurs sont les vrais responsables. Ils se servent de l’abondance de main-d’œuvre disponible pour détériorer les conditions de travail et refuser d’augmenter les salaires ne serait-ce qu’au niveau de l’inflation. Ils exploitent la forte demande d’appartements pour imposer des loyers hyperabusifs. Ils jouent sur la peur: du chômage, de se faire licencier au profit de plus jeunes ou de salariés contraints d’accepter de plus mauvaises conditions de travail, de perdre son logement.
Les salariés doivent être en mesure de défendre leurs droits et ceux de leurs collègues, dans les entreprises, sans risque de se faire mettre à la porte. Tant qu’il n’existera pas de sanction efficace contre les licenciements abusifs et antisyndicaux, la protection des travailleurs n’existe pas dans les faits. C’est à cette condition que les salariés pourront négocier des CCT avec un contenu solide et les défendre. En Suisse, cela n’est pas possible. Des salariés de l’Hôpital de La Providence ont dû se mettre en grève pour conserver leur CCT de secteur face au 2e groupe de cliniques privées (Genolier). Ils ont tous été licenciés.
Il faut aussi lutter contre la généralisation du travail intérimaire ou du statut de pseudo-indépendant (autoentrepreneur). Ces statuts précaires, fréquents dans la construction et les soins, privent dans les faits ces travailleurs de la protection minimale du droit du travail. Ces salariés ne peuvent pas accéder à la stabilité de l’emploi, indispensable pour fonder une famille, obtenir un bail, un crédit, etc. Dans les soins, la sous-traitance et le travail intérimaire déstabilisent les équipes, qui doivent suivre, en plus de leur travail, celui des intérimaires, qui connaissent mal le service. C’est un risque pour la prise en charge des patients. Dans la construction, elles sont la cause d’accidents.
Ces statuts précaires sont aussi une concurrence très forte pour les petites entreprises qui respectent leurs employés.
La plupart des pays de l’UE ont un droit bien meilleur qu’en Suisse. Reprendre par exemple la protection dont bénéficient les salariés en Allemagne serait un pas dans la bonne direction.
Ne ratons pas l’occasion du débat sur l’UE pour enfin obtenir des mesures d’accompagnement répondant aux besoins des salariés et des locataires.
Opinion publiée le 20 juillet 2023 dans la Tribune de Genève.